La tentation et la chute
Ne pouvant fomenter une révolte dans le ciel, Satan trouva un nouveau champ d'activité et de lutte contre Dieu: il se proposa la ruine de la race humaine. Le bonheur et la paix du couple habitant l'Éden étaient pour lui comme le mirage d'une félicité à jamais perdue. Dévoré par l'envie, il prit la résolution de les inciter à la désobéissance et d'attirer sur eux la peine du péché. Dans ce but, il décida de changer leur amour en méfiance et leurs chants de joie en récriminations contre leur Créateur. Par là, non seulement il les plongerait dans la désolation où il se trouvait lui-même, mais jetterait le déshonneur sur Dieu et la désolation dans le ciel.
Nos premiers parents ne furent pas laissés dans l'ignorance du danger qui les menaçait. Des messagers célestes leur firent connaître l'histoire de la chute de Satan, et leur dévoilèrent les plans formés pour leur destruction. Ils leur expliquèrent entièrement la nature du gouvernement divin que le prince du mal s'efforçait de renverser. C'est par la désobéissance aux justes commandements de Dieu, leur dirent-ils, que Satan et son armée sont tombés. Cela vous montre l'importance d'honorer cette loi, condition indispensable du maintien de l'ordre et de l'équité dans l'univers. La loi de Dieu -- émanation de sa volonté, révélation écrite de son caractère, expression de la sagesse et de l'amour divin -- est aussi sacrée que Dieu lui-même, et l'harmonie de la création dépend d'un parfait accord entre cette loi et tout ce qui existe, animé ou inanimé. Dieu a placé non seulement les êtres intelligents, mais aussi toutes les opérations de la nature sous des lois fixes qu'il n'est pas permis de violer. Tandis que la nature est gouvernée par des lois naturelles, seul, parmi les autres êtres, l'homme est justiciable de la loi morale. Couronnement de l'oeuvre de la création, il a reçu de Dieu les facultés de comprendre les exigences de sa loi, d'en apprécier tant la justice et la bonté que son obligation sacrée. Aussi Dieu attend-il de lui une obéissance implicite.
Comme l'avaient été les anges, les habitants de l'Éden allaient être mis à l'épreuve et appelés à décider, soit d'obéir et de vivre, soit de désobéir et de mourir. S'ils étaient irrespectueux de sa volonté, celui qui n'avait pas épargné les anges désobéissants ne les épargnerait pas non plus. Toute transgression compromettrait la possession des dons de Dieu et attirerait sur eux le malheur et la ruine.
Les anges mirent Adam et Ève en garde contre les pièges de Satan. Ses efforts pour vous faire tomber, leur dirent-ils, seront inlassables. Mais aussi longtemps que vous serez obéissants, le malin ne pourra vous faire aucun mal; car, si cela était nécessaire, tous les anges seraient envoyés à votre secours. Si vous repoussez fermement et sans relâche ses premières insinuations, vous jouirez de la même sécurité que les messagers du ciel. Mais si, une seule fois, vous cédez à la tentation, votre nature en sera tellement altérée que vous n'aurez plus en vous-même ni la force ni le désir de résister à Satan.
La défense de manger de l'arbre de la connaissance avait pour but de servir de pierre de touche à l'obéissance du premier couple, et par conséquent à son amour pour Dieu. C'était la seule restriction mise à la jouissance de tout ce qu'il y avait dans le Paradis. Mais la désobéissance dans ce seul cas suffirait pour les exposer à la peine du péché. D'ailleurs, il ne serait pas permis à Satan de les harceler sans cesse de ses tentations. Ce n'était qu'au pied de l'arbre défendu que cela lui serait possible. Chercher à sonder la nature de cet arbre, c'était s'exposer à tomber dans les pièges de l'ennemi. Aussi leur fut-il recommandé de prêter attention à l'avertissement de Dieu, et de suivre les instructions qu'il avait jugées bon de leur donner.
Afin d'accomplir son oeuvre avec succès, Satan se décida à employer un déguisement bien propre à servir ses desseins sinistres: celui du serpent. Cet animal était alors une des créatures les plus intelligentes et les plus belles de la création. Il possédait des ailes et devenait, en plein vol, un objet éblouissant ayant l'apparence et l'éclat de l'or poli. À le voir perché sur les branches de l'arbre défendu, chargé de fruits délicieux, on ne pouvait se défendre d'un mouvement d'admiration. Ainsi se dissimulait, dans le jardin de la paix, le destructeur attendant sa proie.
Les anges avaient prévenu Ève du danger qui la guettait si, au cours de ses devoirs quotidiens dans le jardin, elle se séparait de son mari. En sa compagnie, lui avaient-ils dit, le danger de la tentation sera moins grand que si tu es seule. Or, absorbée par ses charmantes occupations, elle s'éloigne inconsciemment de son mari. S'apercevant tout à coup qu'elle est seule, elle éprouve un sentiment d'effroi. Mais, chassant aussitôt ses craintes, elle se dit qu'elle est assez sage pour discerner le mal et y résister.
Oubliant les recommandations de l'ange, elle se trouve bientôt en face de l'arbre défendu, qu'elle contemple avec un mélange de curiosité et d'admiration. Le fruit est si beau qu'elle se demande pourquoi Dieu l'a défendu. L'occasion du tentateur est venue. Comme s'il comprenait les mouvements du coeur d'Éve: "Quoi, dit-il à la femme, Dieu aurait-il vraiment dit: Vous ne mangerez les fruits d'aucun arbre du jardin?" Genèse 3:1. À l'ouïe de cet écho inattendu de ses propres pensées, elle est surprise et presque effrayée. Mais alors, d'une voix musicale et caressante, le serpent se répand en louanges subtiles sur sa beauté incomparable, louanges qu'elle écoute sans déplaisir. Aussi, au lieu de s'enfuir en toute hâte, elle s'attarde, émerveillée d'entendre parler un serpent. Si elle s'était trouvée en face d'un être semblable aux anges, la crainte l'aurait saisie; mais l'idée ne lui vint pas que ce séduisant animal puisse être un instrument de l'ange déchu.
A l'habile question du tentateur, elle répond: "Nous mangeons les fruits des arbres du jardin, mais quant au fruit de l'arbre placé au milieu du jardin, Dieu a dit: N'en mangez point, et n'y touchez pas; sinon vous mourrez! Le serpent répondit à la femme: Vous ne mourrez certainement pas; mais Dieu sait que, le jour où vous mangerez de ce fruit, vos yeux s'ouvriront, et vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal."
Le tentateur fait croire qu'en mangeant du fruit de cet arbre, elle et son mari parviendront à une sphère d'existence plus élevée, et qu'ils verront s'élargir l'horizon de leurs connaissances. Ayant lui-même mangé du fruit défendu, n'a-t-il pas acquis le don de la parole? Puis il insinue que l'Éternel leur interdit cet arbre par une crainte jalouse de les voir s'élever à sa hauteur. C'est, affirme-til, en raison de ses propriétés merveilleuses, de la faculté qu'il a de donner la sagesse, qu'on vous a défendu d'en goûter ou même d'y toucher. En termes couverts, le tentateur ajoute que la menace divine ne sera pas exécutée: elle n'a pour but que de les intimider. Il continue: "Comment pourriez-vous mourir? N'avez-vous pas mangé de l'arbre de vie? Dieu a voulu vous empêcher de parvenir à un plus haut développement et de découvrir un plus grand bonheur."
Depuis les jours d'Adam jusqu'aux nôtres, la tactique de Satan a été la même. Il pousse les hommes à se défier de l'amour de Dieu et à douter de sa sagesse. Il cherche constamment à exciter en eux un esprit de curiosité et d'irrévérence, un désir inquiet et malsain de pénétrer les secrets de la sagesse et de la puissance divines. À vouloir sonder ce qu'il a plu à Dieu de nous sceller, des multitudes passent à côté des vérités révélées essentielles au salut. Satan amène les hommes à la désobéissance en leur suggérant que le terrain défendu va leur faire connaître de merveilleux secrets. Illusion et erreur. Épris de leurs idées de progression, passant par-dessus les commandements de Dieu, ils mettent leurs pieds sur le sentier qui aboutit à la dégradation et à la mort.
Au couple maître de l'Éden, Satan s'attache à insinuer qu'il y a des avantages à violer la loi de Dieu. N'entend-on pas aujourd'hui des raisonnements tout semblables? Bien des gens qui se vantent de leurs largeurs d'idées et de leur grande liberté, raillent l'étroitesse de ceux qui obéissent aux commandements divins. Satan prétendait avoir tiré un grand profit du fruit défendu; mais il avait soin de taire le fait que, pour cette raison même, il avait été expulsé du ciel. Plongé par le péché dans un malheur sans bornes, il cachait son affreux sort pour entraîner l'homme avec lui. De même aujourd'hui, le faux croyant cache son vrai caractère. Ses prétentions à la sainteté ne font que le rendre plus dangereux. Il fait l'oeuvre de Satan et conseille à ses semblables d'en faire autant, et cela pour leur ruine éternelle.
Ève crut sincèrement aux paroles de Lucifer. C'est ce qui la perdit. Elle tomba pour avoir manqué de confiance en la Parole de Dieu. Au jour du jugement, les hommes ne seront pas condamnés pour avoir consciencieusement cru au mensonge, mais pour avoir douté de la vérité ou négligé de la connaître. Il faut mettre tout son coeur à la recherche de la vérité. Les exemples donnés dans la Parole de Dieu ont pour but de nous avertir, de nous instruire, et de nous préserver de la séduction. Les négliger, c'est marcher à sa perte. Soyons certains que tout ce qui contredit cette parole procède de Satan. Ses sophismes ont beau affirmer le contraire, il est toujours fatal de désobéir à Dieu.
Le serpent se met à cueillir du fruit défendu et le dépose dans les mains d'Ève. Elle accepte, comme malgré elle, et alors le tentateur lui rappelle ses propres paroles: Dieu a défendu d'y toucher sous peine de mort. Eve ne remarque aucun mauvais résultat de son acte, elle devient plus hardie. Voyant que le fruit de l'arbre est bon à manger, agréable à la vue, et qu'il est désirable, puisqu'il peut donner l'intelligence, elle en prend et en mange. Le goût en est excellent. Elle croit ressentir en elle une force vivifiante, et s'imagine entrer dans une sphère plus élevée. Et maintenant qu'elle a désobéi, elle va devenir, entre les mains de Satan, l'instrument de la perte de son mari. Sous l'empire d'une étrange fascination, elle se rend auprès d'Adam et lui raconte tout ce qui s'est passé.
Un voile de tristesse mêlée d'étonnement et d'alarme envahit le visage d'Adam. Il répond à sa femme: Le mystérieux serpent doit être l'adversaire contre lequel on nous a mis en garde. En conséquence, d'après la sentence divine, tu devras mourir. Pour toute réponse, Eve l'engage vivement à manger de ce fruit, en lui répétant les paroles du serpent: "Vous ne mourrez certainement pas." Ce doit être vrai, dit-elle, car je ne ressens aucun signe du déplaisir de Dieu. Au contraire, j'éprouve une sensation délicieuse, qui anime tout mon être d'une vie nouvelle, semblable à celle des messagers célestes.
Adam comprend que sa femme a violé le commandement de Dieu et foulé aux pieds la seule défense qui leur ait été imposée pour éprouver leur fidélité et leur amour. Une lutte terrible se livre en lui. Il est consterné de voir Ève devenue victime du tentateur. Mais l'acte fatal est commis, et il va falloir qu'il se sépare de celle dont la société fait sa joie. Comment s'y résigner? Oh! Adam, tu as joui de la compagnie de Dieu et des anges; tu as contemplé la gloire du Créateur, tu sais la haute destinée réservée à ta race si elle demeure fidèle! Et tous ces bienfaits, tous ces privilèges s'éclipseraient devant la crainte de perdre ta compagne! En effet, son affection pour Ève prime tout: elle surpasse son amour, sa gratitude et sa fidélité envers le Créateur. N'est-elle pas, se dit-il, une partie de mon être, et puis-je supporter la pensée d'en être séparé? Il ne lui vient pas à l'idée que la puissance infinie qui l'a tiré de la poussière, qui a fait de lui un être vivant et magnifique, et dont l'amour lui a donné cette compagne, peut la lui remplacer. Et il se décide à partager son sort. Si elle doit mourir, il mourra avec elle. Après tout, se dit-il, les paroles du sage serpent ne pourraient-elles pas être vraies? Ève est devant lui aussi ravissante et, apparemment, aussi innocente qu'auparavant. Elle lui manifeste même un amour plus vif que jamais. Aucun signe de mort ne paraît sur ses traits. Adam se résout à braver les conséquences de son acte. Il saisit le fruit et le dévore.
Son péché consommé, il a tout d'abord l'impression qu'il entre dans une sphère plus élevée. Bientôt, cependant, la pensée de sa faute le remplit de terreur. L'atmosphère, qui avait toujours été douce et uniforme, paraît glaciale au couple désobéissant, leur vêtement lumineux disparaît. N'osant se présenter dévêtus devant Dieu et devant les anges, ils se mettent à façonner quelques ajustements. En outre, l'amour et la paix qui, jusqu'alors, ont été leur partage, font place à un sentiment de culpabilité et de désenchantement, à une frayeur de l'avenir.
Notre premier père, qui commence à se rendre compte du vrai caractère de sa faute, reproche à sa femme de s'être follement éloignée de lui et laissée séduire par le serpent. Ils se rassurent, néanmoins, à l'idée que celui qui les a, jusque-là, comblés de tant de bontés, pardonnera leur unique transgression, ou que leur châtiment sera moins inflexible qu'ils ne le craignent.
Satan triomphe de son succès. Il a poussé la femme à manquer de confiance en Dieu, à douter de sa sagesse, à transgresser sa loi. Par elle, il a consommé la chute d'Adam.
Mais le Législateur suprême se prépare à faire connaître aux coupables les conséquences de leur transgression. Sa divine présence apparaît dans le jardin. Dans son innocence et sa sainteté, le premier couple avait salué avec joie l'approche du Créateur. Mais maintenant, frappés de terreur, Adam et Ève s'enfuient et se cachent dans les taillis les plus épais du jardin. Or, "l'Éternel Dieu appela Adam, et lui dit: Où es-tu? Il répondit: J'ai entendu le bruit de tes pas dans le jardin; j'ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. L'Éternel dit encore: Qui t'a appris que tu es nu? As-tu mangé le fruit que je t'avais défendu de manger?"
Adam ne pouvait pas plus nier qu'excuser son péché. Mais au lieu d'en manifester du repentir, il en jette la faute sur sa femme, et partant, sur Dieu lui-même: "La femme que tu m'as donnée pour compagne, m'a offert ce fruit et j'en ai mangé." Celui qui, par amour pour Ève, s'est froidement déterminé à sacrifier l'approbation de Dieu, le Paradis et une vie éternelle de joie, n'hésite pas, en ce moment, à rejeter la responsabilité de sa faute sur sa compagne et sur le Créateur! Telle est la puissance du péché!
Dieu interroge la femme: "Pourquoi as-tu fait cela?" Elle répond: "Le serpent m'a séduite; et j'ai mangé ce fruit." Pourquoi as-tu créé le serpent? Pourquoi l'as-tu laissé pénétrer dans l'Éden? Tels étaient les reproches impliqués dans l'excuse d'Ève. De même qu'Adam, elle rejette sur Dieu la faute de leur commune désobéissance. L'esprit de justification a pour auteur le père du mensonge. Manifesté par nos premiers parents aussitôt qu'ils eurent subi l'ascendant de Satan, il s'est reproduit, depuis, chez tous les fils et toutes les filles d'Adam. Au lieu de confesser humblement son péché, on cherche à s'en disculper et à le rejeter sur ses semblables, sur les circonstances et sur Dieu. On va jusqu'à prendre occasion de ses bienfaits pour murmurer contre lui!
L'Éternel prononce alors la condamnation du serpent: "Parce que tu as fait cela, tu seras maudit entre tous les animaux et toutes les bêtes des champs; tu ramperas sur ton ventre, et tu mangeras la poussière tous les jours de ta vie." Utilisé comme instrument par Satan, le serpent devra partager son châtiment. De la plus gracieuse et la plus admirée des créatures des champs, il va devenir la plus abjecte et la plus détestée de toutes, également redoutée et haïe des hommes et des bêtes. La deuxième partie de la sentence s'applique directement à Satan lui-même dont elle annonce la défaite et la destruction finales: "Et je mettrai de l'inimitié entre toi et la femme; entre ta postérité et sa postérité; elle t'écrasera la tête, et toi, tu la blesseras au talon."
Ève entend ensuite les chagrins et les douleurs qui doivent être désormais sa part. L'Éternel lui dit: "Tes désirs se porteront sur ton mari, et il dominera sur toi." En la créant, Dieu avait fait Ève égale à Adam. S'ils étaient restés obéissants à Dieu, en harmonie avec sa grande loi d'amour, l'accord le plus parfait n'eût cessé d'exister entre eux. Mais le péché avait engendré la discorde et, dès lors, l'union et l'harmonie ne pouvaient se maintenir que par la soumission de l'un ou de l'autre des époux. Or, Ève avait péché la première. En se séparant de son mari, contrairement à la recommandation divine, elle avait succombé à la tentation, et c'est à ses sollicitations qu'Adam avait désobéi. En conséquence, elle était placée sous l'autorité de son mari. Si notre race déchue obéissait à la loi de Dieu, cette sentence, bien qu'étant un résultat du péché, se changerait en bénédiction. Mais l'homme, abusant de sa suprématie, a trop souvent rendu le sort de la femme bien amer et fait de sa vie un martyre.
Dans sa demeure édénique, Ève avait été parfaitement heureuse aux côtés de son mari. Remuante et curieuse comme nos Ève modernes, elle s'était sentie flattée à l'idée d'entrer dans une sphère plus haute que celle qui lui était assignée. En voulant s'élever au-dessus de sa situation première, elle tomba plus bas. Un sort semblable attend toutes celles qui répugnent à s'acquitter joyeusement des devoirs de la vie. Désertant la place où elles seraient en bénédiction, et ambitionnant des positions pour lesquelles elles ne sont pas faites, beaucoup de femmes sacrifient leur vraie dignité et leur vraie noblesse.
À Adam, Dieu déclara: "Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l'arbre au sujet duquel je t'avais donné cet ordre: Tu n'en mangeras point!... la terre sera maudite à cause de toi; tu en tireras ta nourriture avec peine tous les jours de ta vie. Et elle produira pour toi des épines et des chardons, et tu te nourriras de l'herbe des champs. Tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre d'où tu as été tiré; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière."
Il n'entrait pas dans le dessein du Très Haut que les innocents habitants du Paradis eussent la moindre connaissance du péché. Dieu leur avait prodigué le bien et voilé le mal, alors que désormais, ayant pris de l'arbre défendu, ils allaient continuer à en manger, c'est-à-dire à côtoyer le mal, tous les jours de leur vie. À partir de ce moment, le genre humain allait être harcelé par les tentations de Satan. Aux douces occupations qui leur avaient été assignées, allaient succéder les soucis et le labeur quotidien, les désappointements, les chagrins, les douleurs et finalement la mort.
Quand Dieu avait créé l'homme, il l'avait fait dominer sur la terre et sur toutes les créatures. Tant qu'Adam était demeuré fidèle au ciel, la nature lui était soumise. Mais maintenant qu'il s'était rebellé, le règne animal avait secoué son sceptre, et toute la nature, frappée de malédiction, était devenue pour lui un continuel témoin des résultats de son insoumission. Dieu a voulu ainsi, dans sa grande miséricorde, montrer aux hommes le caractère sacré de sa loi, et leur prouver, par leur propre expérience, le danger de s'en écarter, si peu soit-il.
Mais la vie de labeur et de soucis, qui devait être désormais le lot de l'homme, cachait en réalité une pensée d'amour. Elle constitue une discipline rendue nécessaire à la nature humaine. Elle doit servir à brider ses appétits et ses passions, et l'aider ainsi à se maîtriser. Elle entre dans le grand plan de Dieu pour racheter l'homme de la dégradation et de la ruine.
L'avertissement donné à nos premiers parents: "Le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement" (Genèse 2:17) n'implique pas qu'ils mourraient le jour même de la désobéissance, mais qu'en ce jour-là, la sentence irrévocable serait prononcée. L'immortalité leur était promise à condition qu'ils obéissent. La transgression commise, ils perdaient la vie éternelle. Le jour même de leur premier péché, ils étaient voués à une mort certaine.
Pour prolonger indéfiniment sa vie, l'homme n'aurait eu qu'à continuer de manger de l'arbre de vie. Privé de ce fruit, sa vitalité allait subir une déperdition graduelle, pour aboutir à la décrépitude et à la mort. L'espoir de Satan était qu'Adam et Ève continuent à manger du fruit de l'arbre de vie, de façon à perpétuer une existence désormais malheureuse. Mais l'homme n'eut pas plutôt désobéi que des anges furent envoyés pour lui interdire l'accès à l'arbre de vie. La lumière qui flamboyait autour d'eux avait l'apparence d'une épée étincelante. Aucun membre de la famille d'Adam n'a donc pu manger de ce fruit. Ainsi, il n'existe pas de pécheurs immortels.
Envisageant le déluge de maux qui a submergé le monde à la suite de la transgression originelle, bien des personnes déclarent que ces effroyables conséquences ne sont nullement en rapport avec un péché aussi minime. Elles en prennent prétexte pour incriminer la sagesse et la justice de Dieu. Si elles voulaient envisager cette question de plus près, elles verraient leur erreur. Ayant créé l'homme à son image, exempt de péché et destiné à "remplir la terre" d'êtres peu inférieurs aux anges, Dieu ne pouvait permettre qu'elle se peuplât d'une race rebelle à ses lois. Il fallait donc la mettre à l'épreuve. Or, le fait que cette épreuve était extrêmement légère montre non seulement la bonté du Créateur, mais aussi l'énorme gravité de la désobéissance de l'homme.
En revanche, si Adam avait été soumis à une restriction pénible, bien des gens se seraient livrés au mal, en disant: Ceci n'est qu'une peccadille; Dieu ne s'occupe pas de fautes aussi minimes. Des péchés que l'on considère comme véniels et n'encourant pas la réprobation des hommes seraient commis sans remords de conscience. Dieu a ainsi fait voir qu'il a horreur du péché à quelque degré que ce soit... Ève se trompait en croyant le contraire. En mangeant du fruit défendu, et en poussant son mari à l'imiter, elle a attiré sur le monde des maux sans nombre. Qui saurait prévoir, au moment de la tentation, les terribles conséquences qui résulteront d'un faux pas?
Parmi les personnes qui prétendent que la loi de Dieu n'est plus en vigueur, beaucoup affirment qu'il est impossible de lui obéir. Si tel est le cas, comment expliquer qu'Adam ait dû subir la peine de sa transgression? Le péché de nos premiers parents a déversé sur le monde un tel déluge de douleurs et de crimes que, sans la bonté et la miséricorde de Dieu, cette faute première aurait plongé le genre humain dans un désespoir sans issue. Que personne ne s'abuse: "Le salaire du péché, c'est la mort." Romains 6:23. Pas plus aujourd'hui que lorsque cette sentence fut prononcée sur le père de l'humanité, la loi de Dieu ne peut être impunément violée.
Ayant péché, Adam et Ève furent avertis qu'ils ne pouvaient plus demeurer en Éden. Ils supplièrent Dieu de les laisser habiter le lieu qui fut témoin de leurs joies et de leur innocence. Confessant qu'ils avaient perdu tout droit à occuper cet heureux séjour, ils promirent une stricte obéissance pour l'avenir. Il leur fut répondu: Votre nature s'est altérée et pervertie par le péché; vous avez perdu une partie de votre force de résistance au mal; vous serez donc désormais plus facilement victimes encore des attaques de Satan qu'en votre état d'innocence.
Humiliés, accablés d'une tristesse inexprimable, Adam et Ève dirent adieu à leur ravissante demeure, et s'en allèrent vivre sur une terre frappée de malédiction. La température, précédemment si douce et si uniforme, était devenue sujette à de grandes variations. Pour les protéger des extrêmes du froid et de la chaleur, Dieu, dans sa bonté, leur procura un vêtement fait de peaux d'animaux.
Lorsqu'ils virent pour la première fois une fleur flétrie, une feuille desséchée, ce signe de dégénérescence leur causa un plus grand chagrin qu'on n'en éprouve aujourd'hui devant la mort d'un être cher. Et quand les arbres de la forêt se dépouillèrent de leur feuillage, un fait brutal leur apparut dans toute son horreur: tout organisme vivant est condamné à mourir.
Le séjour de délices dont les charmants sentiers étaient désormais interdits à l'homme demeura longtemps encore sur la terre. Les premiers hommes, déchus de leur innocence, le contemplaient de loin. C'est à la porte de l'incomparable jardin fermé par la présence des gardiens angéliques, et où se révélait la gloire de Dieu, qu'Adam et ses fils venaient adorer le Créateur et renouveler leurs voeux d'obéissance. Plus tard, lorsque la marée montante de l'iniquité eut envahi le monde et que la malice des hommes fut menacée par un déluge dévastateur, la main qui avait planté l'Éden le retira de dessus la terre. Mais il lui sera rendu, plus glorieux encore, lors du rétablissement final, quand apparaîtront "un ciel nouveau et une terre nouvelle". Apocalypse 2:7; 21:1; 22:14.
Alors ceux qui auront gardé les commandements de Dieu jouiront d'une vigueur immortelle sous les ombrages de l'arbre de vie. À travers les siècles infinis de l'éternité, les habitants des mondes immaculés verront dans l'Éden restauré un échantillon de l'oeuvre parfaite de la création divine, alors qu'elle était vierge encore de la souillure du péché, une image de ce que toute la terre serait devenue si l'homme avait collaboré au glorieux plan du Créateur.
Le plan de la rédemption
La nouvelle de la chute de l'homme plongea le ciel dans la consternation. Le monde nouvellement créé, contaminé par le péché, allait être habité par une race vouée à la souffrance et à la mort. Cette catastrophe souleva d'universelles lamentations. On n'entrevoyait aucune possibilité de sauver les coupables.
Mais l'amour divin avait à l'avance conçu un plan pour le rachat de l'homme. La loi, violée, demandait la vie des transgresseurs. Or, cette loi était aussi sacrée que Dieu lui-même, et seul un être égal au Très Haut pouvait, en fournissant la rançon du pécheur, devenir son substitut et le réconcilier avec lui. Cet être, c'était le Fils de Dieu, le glorieux commandant des armées du ciel. Pour accomplir cette mission, il devait prendre sur lui la coulpe et le stigmate du péché, descendre jusqu'au dernier échelon de l'ignominie, et se voir séparé de son Père.
Devant cette effroyable perspective, le Fils de Dieu ne recule pas. Ému de compassion pour le couple infortuné, étreint d'une pitié infinie à la pensée des douleurs d'un monde perdu, il accepte cette entreprise avec tous ses aléas. Il se sacrifiera pour réaliser la pensée éternelle de l'amour de Dieu.
Devant le Père, il plaida la cause du pécheur, cependant que l'armée du ciel attendait, dans une grande anxiété, le résultat de l'entrevue. Il dura longtemps, ce mystérieux colloque, ce "conseil de paix" ("Il sera prêtre sur son trône, et entre les deux il y aura un conseil de paix" (Zacharie 6:13, V. Crampon, Lausanne, Vevey) en faveur de l'homme. Le plan du salut, qui prévoyait l'immolation de "l'Agneau sans défaut et sans tache", avait été formé "avant la création du monde". 1 Pierre 1:19, 20; Apocalypse 13:8. Et néanmoins, ce ne fut pas sans lutte que le Roi de l'univers consentit à abandonner son Fils à la mort pour une race coupable. Mais "Dieu aima tellement le monde, qu'il donna son Fils, afin que tous ceux qui croiraient en lui ne périssent point, mais qu'ils aient la vie éternelle". Jean 3:16. Cet amour de Dieu pour un monde qui ne l'aimait pas "surpasse toute connaissance". À travers des âges sans fin, les esprits immortels confondus et prosternés, chercheront à en sonder le mystère.
Perverti par le péché, l'homme était incapable par lui-même de se réconcilier avec celui qui n'est que bonté et pureté. D'autre part, Dieu ne pouvait "réconcilier le monde avec soi" (2 Corinthiens 5:19) qu'en se manifestant par l'intermédiaire de son Fils. En outre, ce Fils, après avoir racheté l'homme de la condamnation de la loi, allait pouvoir associer la puissance divine à l'effort humain. Ainsi, les enfants d'Adam pourront redevenir "enfants de Dieu" (1 Jean 3:2) par la conversion et la foi au Rédempteur. Ce plan allait requérir la collaboration du ciel tout entier.
Mais lorsque le Fils de Dieu en fit part aux anges, ceux-ci, loin de se réjouir, accueillirent ses paroles au milieu d'un silence mêlé de stupeur. Le salut de l'homme, leur dit-il, va coûter des douleurs inexprimables à votre chef bien-aimé. Pour pouvoir se placer entre le pécheur et son châtiment, il lui faudra quitter le siège de la Majesté céleste, renoncer aux joies et à la gloire immortelle des régions de la pureté et de la paix, naître sur la terre comme un simple homme, y respirer l'atmosphère fétide et souillée d'un monde perdu. Après avoir participé personnellement aux douleurs et aux tentations des humains, il subira l'ignominie et la mort. Tout cela sera nécessaire pour que votre Maître soit à même de secourir ceux qui sont tentés. Voir Hébreux 2:18.
À la fin de son ministère, dit encore Jésus, livré entre les mains d'hommes cruels et exposé à toutes les insultes et à toutes les tortures que Satan pourra lui inspirer, il sera suspendu entre le ciel et la terre comme un malfaiteur, et subira la mort la plus cruelle. Après de longues heures d'une agonie que vous ne pourrez contempler sans vous voiler la face, il connaîtra une suprême angoisse: chargé à ce moment-là des péchés du monde entier, il verra le Père détourner de lui son visage.
À ces mots, les anges se prosternent aux pieds de leur chef et lui offrent leur vie en sacrifice en faveur de l'homme. La vie d'un ange, leur répond-il, ne saurait payer la dette du pécheur. Seul peut le faire celui qui a créé l'homme. Durant un certain temps, le Fils vous sera inférieur par la mort qu'il devra souffrir. Voir Hébreux 2:9; 1:14. Revêtu de la nature humaine, il n'aura pas votre résistance morale. Vous aurez donc à l'entourer, à le fortifier et à le soulager dans ses souffrances. Ensuite, attachés "au service de Dieu", vous serez, par lui, "envoyés pour exercer un ministère en faveur de ceux qui doivent recevoir en héritage le salut." Ibid. Vous aurez ainsi à protéger les sujets du royaume de Dieu de la puissance des mauvais anges et des ténèbres morales dont Satan cherchera sans cesse à les envelopper.
Quand vous assisterez à l'humiliation et à l'agonie de votre Maître, vous serez tentés, dans votre douleur et votre indignation, de le délivrer de la main de ses meurtriers. Mais il ne vous sera pas permis d'intervenir pour empêcher quoi que ce soit. Les sarcasmes et la brutalité des hommes envers le Sauveur font partie du plan du salut. En devenant le Rédempteur, il doit y consentir d'avance.
Apprenez que par sa mort le Sauveur rachètera un grand nombre d'âmes, et détruira celui qui a la puissance de la mort. Il revendiquera le royaume vendu à Satan par le péché, et les rachetés en partageront avec lui la possession éternelle. Le péché et les pécheurs seront anéantis et ne troubleront jamais plus la paix du ciel ou de la terre. Je vous demande, dit-il en terminant, de vous rallier à ce plan que mon Père a accepté, et de vous réjouir de ce que, par ma mort, l'homme déchu pourra être réconcilié avec Dieu.
La gloire et la félicité d'un monde racheté allaient donc éclipser les douleurs et l'immolation du Prince de la vie. Alors des transports d'allégresse éclatèrent dans les cieux et les parvis célestes retentirent des premiers accords du cantique qui devait, plus tard, se faire entendre sur les collines de Bethléhem: "Gloire à Dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre, bienveillance envers les hommes". Luc 2:14. Avec plus d'enthousiasme encore que lors de la création du monde, "les étoiles du matin entonnèrent des chants d'allégresse, et les fils de Dieu poussèrent des acclamations". Job 38:7.
La première nouvelle du plan de la rédemption qui parvint à Adam était renfermée dans la sentence prononcée sur Satan au Paradis: "Et je mettrai de l'inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t'écrasera la tête, et tu la blesseras au talon." Cette sentence, prononcée devant nos premiers parents, contenait pour eux une promesse. Tout en prédisant une guerre entre l'homme et Satan, elle déclarait que la puissance du grand adversaire serait finalement abattue. Debout comme des criminels devant leur juge, Adam et Ève attendaient le verdict qui devait les condamner non seulement à une vie de labeur et de douleur, mais aussi à retourner dans la poussière. Ils entendirent alors ces paroles qui firent naître dans leurs coeurs une espérance consolante: s'ils devaient souffrir de la puissance de leur grand ennemi, ils entrevoyaient cependant une victoire finale.
Quand Satan apprit qu'il y aurait inimitié entre lui et la femme, entre sa postérité et la sienne, il comprit que son oeuvre de dépravation sur la nature humaine allait être entravée, et que l'homme serait mis à même de résister à son ascendant. Mais lorsqu'il entendit un exposé plus complet du plan du salut, il se réjouit néanmoins à la pensée qu'ayant consommé la chute d'Adam, il avait réussi à obliger le Fils de Dieu à descendre de son trône, revêtu de la nature humaine. Fier de ce premier succès, il se flatta de triompher, et de mettre ainsi en échec la rédemption de l'homme.
Des anges développèrent plus en détail le plan du salut à nos premiers parents. Ils leur dirent: "Soyez certains que, malgré votre grand péché, vous ne serez pas abandonnés à la puissance de l'ennemi. Le Fils de Dieu a offert d'expier votre faute au prix de sa vie. Grâce à une nouvelle période d'épreuve, en obéissant à Dieu par la foi au Rédempteur, vous pourrez redevenir ses enfants."
Le sacrifice exigé par leur transgression révéla à Adam et Ève le caractère sacré de la loi divine. Mieux que jamais, ils virent la nature détestable du péché et ses affreux résultats. Accablés de remords et de douleur, ils supplièrent Dieu d'épargner son Fils dont l'amour avait fait toute leur joie, et de les frapper eux-mêmes et leur postérité.
La loi de Jéhovah, leur fut-il répondu, est à la base de son gouvernement, aussi bien dans le ciel que sur la terre. La modifier, ne fût-ce que sur un seul point, pour l'adapter à votre état de déchéance, est hors de question. D'autre part, la vie d'un ange ne pourrait être acceptée comme rançon de sa violation. C'est le Fils de Dieu, celui qui a créé l'homme, qui seul peut la fournir. De même que la transgression d'Adam entraînera la souffrance et la mort, de même le sacrifice du Bien-Aimé apportera la vie et l'immortalité.
Dans votre innocence, vous avez pu vous entretenir avec votre Créateur. Mais votre péché vous ayant séparé de lui, il n'y a que l'expiation de son Fils qui puisse franchir cet abîme, ouvrir une voie de communication entre le ciel et la terre, et apporter aux hommes le salut et la joie. Vos relations personnelles avec le Créateur, actuellement supprimées, se continueront par l'intermédiaire de son Fils et de ses anges.
Ce n'était pas, d'ailleurs, l'homme seul qui était tombé sous la puissance de Satan, et qui devait être racheté; il y avait aussi notre terre. On devient esclave de celui par qui on est vaincu. Voir 2 Pierre 2:19. Quand il fut créé, Adam avait reçu la domination du globe. En cédant à la tentation, il devint le captif du tentateur, et son fief passa entre ses mains. C'est ainsi qu'en usurpant la domination de la terre confiée à Adam, Satan est devenu le "dieu de ce monde". 2 Corinthiens 4:4. En payant la pénalité du péché, le Sauveur a racheté non seulement l'homme, mais aussi son empire. Tout ce qui a été perdu par le premier Adam sera aussi son empire. Tout ce qui a été perdu par le premier Adam sera restauré par le second. "Et toi, tour du troupeau, colline de la fille de Jérusalem", dit un prophète, "à toi viendra, à toi arrivera l'ancienne domination". L'apôtre Paul parle également de la "rédemption de la possession acquise". Michée 4:8 (Segond); Ephésiens 1:13, 14 (Vevey).
Dieu a créé la terre pour en faire la demeure d'êtres saints et heureux. "Dieu a formé la terre, et l'a affermie; il l'a fondée lui-même; il ne l'a pas créée pour être déserte, mais pour être habitée." Ésaïe 45:18. Ce but sera atteint quand, renouvelée par la puissance de Dieu, exempte de péché et de douleurs, elle deviendra l'héritage éternel des rachetés. "Les justes posséderont la terre, et ils y demeureront à perpétuité." "Il n'y aura plus d'anathème; le trône de Dieu et de l'Agneau sera dans la ville; ses serviteurs... verront sa face." Psaumes 37:29; Apocalypse 22:3.
C'est ainsi que Dieu révéla à Adam et Eve d'importants événements qui allaient marquer l'histoire de l'homme jusqu'au déluge et au premier avènement du Fils de Dieu. Ils entendirent encore ces paroles: bien que le sacrifice du Sauveur soit suffisant pour sauver le monde entier, un grand nombre d'hommes préféreront une vie de péché à une vie d'obéissance. Le crime augmentera d'une génération à l'autre, et la malédiction qu'entraîne le péché pèsera toujours plus lourdement sur le genre humain, sur le règne animal et sur la terre. Par sa perversité, l'homme raccourcira lui-même la longueur de ses jours. Il déclinera en stature, en endurance physique, ainsi qu'en force morale et intellectuelle. Le monde sera accablé de misères de tous genres. En obéissant à leurs penchants, les hommes se rendront incapables d'apprécier les grandes vérités du plan du salut. Mais, fidèle à son dessein, le Fils de Dieu ne se désintéressera pas du sort des hommes; il continuera de s'offrir à eux comme le refuge de la faiblesse et du malheur. Il suppléera aux besoins de tous ceux qui s'approcheront de lui avec foi. Aussi y aura-t-il toujours sur la terre des serviteurs de Dieu pour maintenir sa connaissance et rester purs au milieu de la perversité universelle.
Pour rappeler constamment à l'homme le souvenir de son péché et lui donner l'occasion de confesser humblement sa foi en un Rédempteur futur, Dieu institua le rite des sacrifices. Le premier holocauste offert par Adam lui causa une douleur cuisante. De sa propre main, il dut ravir à un être la vie que Dieu seul pouvait donner. C'était la première fois qu'il voyait la mort, qui, sans lui, n'eût jamais frappé les hommes ni les animaux. En égorgeant l'innocente victime, il frissonna à la pensée que son péché ferait couler le sang de l'Agneau de Dieu. Cette scène lui donna un sentiment plus profond et plus vif de la gravité d'une faute qui ne pouvait être expiée que par la mort d'un être cher au coeur du Très Haut. Puis Adam s'émut devant la bonté infinie de celui qui consentait à offrir au pécheur une telle rançon. Une étoile d'espérance illumina dès lors l'avenir qui lui avait paru si lugubre et si désolé.
Mais le plan de la rédemption avait un but bien plus vaste encore que le salut de l'humanité. Ce plan n'était pas seulement destiné à faire respecter la loi de Dieu par les habitants de notre petite planète. Il s'agissait de justifier le caractère de Dieu devant les habitants des autres mondes. C'est à cela que le Sauveur faisait allusion quand il disait, immédiatement avant sa crucifixion: "C'est maintenant qu'a lieu le jugement de ce monde; maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors. Et moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tout à moi". Jean 12:31, 32 (V. Lausanne). La mort du Fils de Dieu allait rendre le ciel accessible aux hommes; mais elle allait aussi justifier devant tout l'univers l'attitude de Dieu et de son Fils concernant la révolte de Satan. Elle établirait la perpétuité de sa loi et révélerait la nature et les résultats du péché.
Dès le début, le grand conflit a porté sur la loi de Dieu. Satan a prétendu que le Seigneur est injuste, sa loi imparfaite, et que le bien de l'univers exige sa révision. En l'attaquant, le grand rebelle visait à renverser l'autorité de son auteur. La suite du conflit montrera si les divins statuts sont défectueux et doivent être amendés, ou s'ils sont parfaits et immuables.
Quand Satan fut expulsé du ciel, il résolut de faire de la terre son royaume. Si je séduis Adam et Ève, pensait-il, leur patrimoine passera entre mes mains, puisqu'ils m'auront choisi pour leur souverain. D'ailleurs, le péché ne pouvant être pardonné, Adam et ses descendants seront mes sujets légitimes, et le monde m'appartiendra. Son plan fut déjoué quand Dieu livra son Fils unique, égal à lui-même, en rançon pour le péché, ouvrant ainsi à l'homme la voie de la réconciliation et sa rentrée au Paradis. Mais pour que la terre pût être arrachée aux griffes de l'usurpateur, il fallait que ce litige, ouvert dans le ciel, fût tranché sur le terrain même que l'adversaire réclamait comme sien.
L'univers fut émerveillé en apprenant que le Fils de Dieu allait s'offrir en sacrifice pour sauver l'humanité. Celui qu'on avait vu passer, à travers l'immensité de la création, d'une étoile et d'un monde à l'autre, surveillant tout et assurant le bien-être de chacun, avait consenti à quitter sa gloire pour s'incarner dans la nature humaine. Ce projet mystérieux suscitait de profondes méditations chez les innocents habitants des autres mondes. Aussi, quand Jésus-Christ parut sur la terre sous une forme humaine, tous ces êtres le suivirent-ils, pas à pas, avec un intérêt palpitant, sur le chemin ensanglanté qui le conduisait de la crèche à la croix. On enregistra les moqueries et les insultes dont il fut abreuvé à l'évidente instigation de Satan. On suivit la marche de la lutte: on vit, d'une part, l'adversaire déversant sur l'humanité un flot de ténèbres, de deuil et de souffrances: d'autre part, le Sauveur refoulant ce flot de toute l'énergie de son âme.
On vit la bataille entre le bien et le mal devenir de plus en plus acharnée. Et lorsque le crucifié, expirant sur la croix, s'écria: "Tout est accompli!" dans tous les mondes, comme à travers le ciel, retentit un immense cri de victoire. On avait atteint l'issue du vaste conflit qui se poursuivait depuis tant de siècles. Le Fils de Dieu avait vaincu. Par sa mort, la grande question posée: le Père et le Fils pousseront-ils leur amour pour l'homme jusqu'au sacrifice? était désormais tranchée, et Satan s'était dévoilé sous son véritable caractère de menteur et de meurtrier. Par la manière dont il traitait les hommes soumis à sa puissance, on pouvait juger de l'esprit dans lequel, s'il en avait eu l'occasion, il aurait gouverné les êtres célestes. Aussi, est-ce d'une seule voix que dans tout l'univers fut exaltée l'administration divine.
Si la loi de Dieu avait pu être changée, le salut de l'homme aurait été accompli sans le sacrifice du Calvaire. Le fait que le Fils de Dieu a dû donner sa vie en faveur de l'humanité a prouvé que cette loi n'abandonne pas ses droits sur le pécheur. Il a été démontré que "le salaire du péché, c'est la mort", et que la mort de Jésus a scellé le destin de Satan.
Si la loi divine a été abolie à la croix, comme d'aucuns le prétendent, une conclusion s'impose: l'agonie et la mort du Fils de Dieu n'ont eu d'autre résultat que de donner raison à Satan, et ainsi le Prince du mal a triomphé, et ses accusations contre le gouvernement divin ont été justifiées. Au contraire, le simple fait que Jésus-Christ a payé la peine du péché prouve, d'une façon concluante et définitive, que la loi divine est immuable; que Dieu est juste, miséricordieux, prêt au sacrifice, et que, sous son administration, entre le pardon d'une part, et la justice infinie de l'autre, l'harmonie est parfaite.