Principes de Foi Chrétienne

Chapitre 18

La loi de Dieu

La loi proclamée au Sinaï

Peu après avoir présidé à l'établissement du camp d'Israël au pied du Sinaï, Moïse fut appelé à se rendre seul sur la montagne pour recevoir les ordres de Dieu. Il gravit un sentier escarpé et rocailleux et il s'approcha d'un nuage qui marquait la présence de l'Éternel. Le moment était venu où Israël allait contracter avec le Très Haut des relations intimes et où ce peuple serait intégré à son gouvernement en qualité d'Église et de nation.

Voici le message que Moïse fut chargé de communiquer aux enfants d'Israël: "Vous avez vu ce que j'ai fait aux Égyptiens, et comment je vous ai portés vous-mêmes sur des ailes d'aigle, et vous ai fait venir jusqu'à moi. Désormais, si vous obéissez à ma voix, et si vous gardez mon alliance, vous serez parmi tous les peuples mon plus précieux joyau; car la terre entière m'appartient. Vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation sainte."25

Moïse redescendit au camp, réunit les anciens d'Israël, et leur répéta le divin message. Le peuple répondit: "Nous ferons tout ce que l'Éternel a ordonné." Les Israélites contractaient ainsi une alliance solennelle avec Dieu en s'engageant à le reconnaître comme leur unique souverain, et à devenir ses sujets à un degré tout particulier.

Jusqu'ici, devant chaque désagrément, le peuple s'était laissé aller à murmurer contre Moïse et Aaron et à les accuser d'avoir fait sortir Israël d'Égypte pour le conduire à la mort. Pour cette raison, et afin qu'il ait confiance en son serviteur, Dieu va maintenant l'honorer sous ses yeux. Moïse étant remonté sur la montagne, Dieu lui dit: "Je vais aller à toi dans une épaisse nuée, afin que le peuple entende ma voix quand je te parlerai, et qu'il ait toujours confiance en toi."

La scène au cours de laquelle le Seigneur allait proclamer sa loi devait revêtir un caractère de grandeur terrifiante qui donnerait une juste idée de son auguste majesté, comme du caractère sacré de tout ce qui se rattache à son service. L'Éternel dit encore à Moïse: "Va vers le peuple; qu'ils se purifient tous aujourd'hui et demain, et qu'ils lavent leurs vêtements, afin d'être prêts le troisième jour; car, ce jour-là, l'Éternel descendra, à la vue de tout le peuple sur la montagne du Sinaï." Deux jours devaient être employés par le peuple à se préparer pour cette audience avec Dieu. Les personnes et les vêtements devaient être exempts de toute impureté. À l'ouïe de leurs péchés, énumérés par Moïse, il fallait qu'ils se livrent à l'humiliation, au jeûne et à la prière et bannissent de leurs coeurs toute iniquité.

Ces préparatifs terminés, Moïse reçut l'ordre de dresser une barrière autour de la montagne, afin que ni homme ni bête ne pût fouler le terrain sacré. Toute personne qui se hasarderait seulement à toucher la montagne serait mise à mort.

Au matin du troisième jour, quand les regards se tournèrent vers le Sinaï, on vit le sommet voilé par un épais nuage, qui devenait plus sombre et plus dense à mesure qu'il descendait vers la base, jusqu'à ce que toute la montagne fût enveloppée de ténèbres et de mystère. Puis retentit un son de trompette appelant le peuple à la rencontre de Dieu. Moïse en tête, la foule s'avança jusqu'au pied de la montagne. D'éblouissants éclairs s'échappaient des ténèbres, tandis que les échos des hauteurs environnantes répercutaient les grondements du tonnerre. "Or le mont Sinaï était tout en fumée, parce que l'Éternel y était descendu au milieu des flammes. Cette fumée montait comme la fumée d'une fournaise, et toute la montagne tremblait avec violence." "La gloire de l'Éternel apparaissait aux enfants d'Israël comme un feu dévorant",26 et "le son de la trompette devenait de plus en plus éclatant". Les signes de la présence divine étaient si effrayants que le peuple, saisi de terreur, se jeta le visage contre terre devant l'Eternel. Moïse lui-même s'écria: "Je suis épouvanté et tout tremblant."27

Bientôt, le tonnerre et la trompette se turent; il se fit un silence angoissant, puis la voix du Seigneur retentit, sortant d'un épais rideau d'obscurité. Et alors, debout au milieu d'un cortège d'anges, l'Éternel proclama sa loi. Plus tard, Moïse décrira cette scène en ces termes:

L'Éternel est venu du Sinaï, Il s'est levé pour eux de Séir, Il a resplendi de la montagne de Paran; Il a surgi du milieu des saintes myriades; Il a envoyé pour eux, de sa droite, le feu de sa loi. Il aime aussi les autres peuples, Et sa main protège tous les saints d'Israël; Ils se sont assis à tes pieds Pour recevoir tes paroles.28

Ce n'est pas uniquement sous l'auguste majesté du Juge et du Législateur que Jéhovah se révéla, mais aussi sous la figure du compatissant Gardien de son peuple. Ainsi que le démontre le préambule de la loi:

"Je suis l'Éternel, ton Dieu, qui t'a fait sortir du pays d'Égypte, de la maison de servitude."29

Celui qui articulait maintenant cette loi aux oreilles de son peuple était celui qu'Israël connaissait déjà comme Guide et Libérateur; celui qui l'avait fait sortir d'Égypte en lui frayant une voie à travers la mer, qui avait englouti le Pharaon et ses armées, et qui s'était ainsi montré supérieur à tous les dieux de l'Égypte.

La loi divine proclamée à ce moment-là n'était pas destinée exclusivement aux Hébreux. Si Dieu leur faisait l'honneur de les en constituer gardiens et dépositaires, c'était pour qu'ils en fissent part à tous les peuples. Les préceptes du Décalogue sont donc destinés à toute l'humanité. Ils ont été donnés pour éclairer et gouverner le monde entier. Ces dix préceptes courts, compréhensifs, impératifs, qui renferment les devoirs de l'homme envers Dieu et envers le prochain, sont tous fondés sur le grand principe de l'amour, ainsi formulé: "Tu aimeras l'Éternel, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force. [...] Tu aimeras ton prochain comme toi-même."30

Dans les dix commandements, ces deux grands principes sont précisés de façon à s'appliquer aux conditions et aux circonstances de l'homme. Les voici:

"Tu n'auras point d'autres dieux devant ma face."31

Seul Dieu, l'Être éternel, incréé, existant par lui-même, à la fois auteur et soutien de tout ce qui existe, a droit à l'adoration et à la vénération suprêmes. Ce commandement interdit à l'homme de donner à n'importe qui et n'importe quoi la première place dans ses affections et son obéissance. Tout ce qui tend à diminuer notre amour pour Dieu, ou qui entrave le service que nous lui devons, devient pour nous un dieu.

"Tu ne te feras point d'image taillée, ni aucune représentation des choses qui sont en haut dans le ciel, ici-bas sur la terre, ou dans des eaux au-dessous de la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point."

Le second commandement défend d'honorer le vrai Dieu par l'intermédiaire d'images ou d'effigies. Un grand nombre de peuples païens ont prétendu que leurs images n'étaient que des figures ou des symboles au moyen desquels ils adoraient la divinité. Or Dieu déclare que ce genre de culte est un péché. Toute tentative de représenter l'Être éternel par des objets matériels ne peut qu'amoindrir et ravaler notre conception de Dieu. Par les images, l'esprit, détourné des perfections infinies de l'Éternel, est attiré vers la créature plutôt que vers le Créateur. L'homme se dégrade dans la mesure où est diminuée en lui la conception de Dieu.

"Je suis l'Éternel, ton Dieu, un Dieu jaloux..." Les liens intimes qui unissent Dieu et son peuple sont comparés à ceux du mariage. L'idolâtrie est considérée comme un adultère spirituel, le déplaisir qu'elle inspire au Créateur est ici, avec beaucoup d'à-propos, appelé jalousie.

"[...] Qui punis l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et à la quatrième génération de ceux qui me haïssent." Les enfants portent inévitablement les conséquences de l'inconduite paternelle ou maternelle; mais ils ne sont punis pour les péchés de leurs parents que s'ils y participent. Il arrive néanmoins que les enfants suivent leurs traces et participent ainsi à leurs péchés, tant par hérédité que par l'exemple reçu. Les mauvaises tendances, les appétits pervertis, les moeurs relâchées, aussi bien que les maladies et la dégénérescence physique se transmettent comme un legs fatal, de père en fils, jusqu'à la troisième et à la quatrième génération. Ce fait redoutable devrait inspirer aux hommes une crainte salutaire et les éloigner de la voie du péché.

"[...] et qui fais miséricorde jusqu'à mille générations à ceux qui m'aiment et qui gardent mes commandements." En interdisant l'adoration des faux dieux, le second commandement ordonne implicitement l'adoration du Dieu véritable. Or, à ceux qui le servent fidèlement, le Seigneur promet de faire miséricorde, non seulement jusqu'à la troisième et à la quatrième génération, comme c'est le cas du châtiment pour ceux qui le haïssent, mais jusqu'à mille générations.

"Tu ne prendras point le nom de l'Éternel ton Dieu en vain; car l'Éternel ne tiendra point pour innocent celui qui aura pris son nom en vain."

Ce commandement ne condamne pas seulement les faux serments et les jurons vulgaires, mais aussi l'emploi du nom de Dieu fait avec légèreté et sans tenir compte de l'effrayante signification qui s'y rattache. C'est déshonorer le Très Haut que de répéter à tout propos son nom d'une manière irréfléchie dans la conversation ordinaire, ou de le prendre à témoin pour des questions triviales. "Son nom est saint et redoutable."32 Chacun devrait faire de la majesté, de la pureté et de la sainteté de Dieu un objet de méditation, au point que, pénétré du sentiment de son auguste caractère, on ne prononce jamais son saint nom qu'avec une profonde vénération.

"Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras toute ton oeuvre; mais le septième jour est le repos de l'Éternel, ton Dieu: tu ne feras aucune oeuvre en ce jour-là, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes murs; car l'Éternel a fait en six jours les cieux, la terre, la mer et tout ce qui y est contenu et il s'est reposé le septième jour. C'est pourquoi l'Éternel a béni le jour du repos et l'a sanctifié."

Le jour du repos n'est pas introduit ici comme une institution nouvelle, mais comme ayant été fondé lors de la création. L'ordre est donné de s'en souvenir et de l'observer comme mémorial de l'oeuvre du Créateur. En appelant Dieu le Créateur des cieux et de la terre, ce commandement le distingue de tous les faux dieux. Ceux qui observent le septième jour montrent par là qu'ils adorent Jéhovah. Tant qu'il y aura des hommes sur la terre pour honorer Dieu, ce jour sera le signe de leur allégeance. Le quatrième commandement est le seul, entre les dix, qui mentionne à la fois le nom et le titre du Législateur. Il est par conséquent le seul qui révèle l'autorité dont cette loi émane. Il renferme ainsi le sceau de Dieu, et la signature du Créateur proclame l'authenticité et l'obligation de sa loi.

Ayant donné aux hommes six jours pour travailler, Dieu leur demande d'achever leur ouvrage dans ce laps de temps. Les actes de miséricorde et de nécessité sont permis ce jour-là. Il faut prendre soin des malades en tout temps. En revanche, le travail non indispensable doit y être strictement évité. "Si tu cesses de fouler aux pieds le jour du sabbat, ne t'occupant pas de tes affaires en ce jour qui m'est consacré; si tu appelles le sabbat ton jour de délices et si tu considères comme vénérable ce qui est consacré à l'Éternel; si tu honores ce jour, en n'allant pas à ton travail, et en t'abstenant de vains discours, alors tu trouveras tes délices en l'Éternel..."33

"En t'abstenant de vains discours." Ceux qui, au jour du repos, s'entretiennent de leurs affaires ou font des projets les concernant, sont, devant Dieu, aussi coupables que s'ils travaillaient. Pour sanctifier le jour du repos, nous ne devons même pas laisser notre esprit s'arrêter sur nos affaires séculières. Et le commandement concerne aussi "l'étranger qui est dans nos murs". Durant les heures sacrées, tous les membres du foyer doivent s'unir pour honorer Dieu.

"Honore ton père et ta mère, afin que tes jours soient prolongés sur la terre que l'Éternel, ton Dieu, te donne."

Les parents ont droit à un degré d'affection et de respect qui n'est dû à aucune autre personne. Dieu les tient responsables des âmes qu'il leur a confiées, et il leur ordonne de tenir sa place auprès de leurs enfants durant les premières années de leur vie. Celui qui rejette l'autorité légitime de ses parents rejette donc l'autorité de Dieu. D'après le cinquième commandement, les enfants doivent non seulement respecter leurs parents et leur obéir, mais encore les entourer d'affection et de tendresse, alléger leur charge, veiller sur leur réputation, et constituer l'appui et la consolation de leur vieillesse. Ce commandement comprend également les égards dus aux pasteurs et magistrats, comme à tous ceux auxquels Dieu a confié quelque autorité.

Parlant de ce précepte, l'apôtre Paul écrit que "c'est le premier commandement accompagné d'une promesse".34 Pour Israël, qui s'attendait à entrer bientôt dans le pays de Canaan, la promesse envisageait une longue vie dans ce bon pays. Mais elle va plus loin: elle s'adresse à tout l'Israël de Dieu auquel est promise la vie éternelle sur une terre purifiée de la malédiction du péché.

"Tu ne tueras point."

Toute injustice tendant à abréger la vie; tout esprit de haine ou de vengeance; toute colère qui pousse à commettre des actions préjudiciables au prochain ou même seulement à lui désirer du mal -- car "quiconque hait son frère est un meurtrier"35 -- tout égoïsme qui fait négliger les soins dus aux indigents et aux malades, toutes ces choses constituent, à des degrés divers, des violations du sixième commandement.

"Tu ne commettras point d'adultère."

Ce commandement prohibe non seulement toute action impure, mais aussi les désirs et les pensées sensuelles, comme tout ce qui peut tendre à les exciter. Plus que la pureté de la vie extérieure, Dieu nous demande celle des pensées secrètes et des émotions du coeur. Jésus-Christ, qui nous apprend la portée étendue de la loi de Dieu, déclare que la pensée ou le regard coupable est un péché aussi réel que l'acte lui-même.

"Tu ne déroberas point."

Cette défense s'applique à des péchés tant privés que publics. Le huitième commandement interdit la chasse à l'homme, la traite des esclaves, les guerres de conquête. Il condamne le larcin et le vol avec effraction. Il exige une stricte probité dans les plus petits détails de la vie. Il défend de surfaire en matière commerciale et exige le paiement des justes dettes et des salaires. Il enseigne que tout acte consistant à tirer avantage de l'ignorance, de la faiblesse ou du malheur d'autrui est enregistré dans les livres célestes à l'égal de la fraude.

"Tu ne diras point de faux témoignages contre ton prochain."

Sous le titre de "faux témoignages" viennent se placer toutes déclarations inexactes sur n'importe quel sujet, toute tentative et tout dessein de tromper notre prochain. Par un regard, un mouvement de la main, une expression du visage, on peut mentir autant que par des paroles. Toute exagération intentionnelle, toute insinuation ayant pour but de donner une idée erronée, voire le récit de certains faits présentés de manière à induire en erreur, constitue un mensonge. Ce précepte interdit tout ce qui tend à compromettre la réputation du prochain par l'altération de la vérité, par des soupçons nuisibles, par la calomnie ou la médisance. La suppression intentionnelle de la vérité, qui porterait préjudice à quelqu'un, est elle-même une violation du neuvième commandement.

"Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni aucune chose qui soit à ton prochain."

En interdisant le désir égoïste qui engendre l'acte coupable, le dixième commandement attaque la racine même de tous les péchés. Celui qui, par obéissance à la loi de Dieu, s'interdit jusqu'au désir illégitime de posséder ce qui appartient à autrui ne se rendra pas coupable d'actes condamnables à l'égard de ses semblables.

Tels sont les préceptes sacrés du Décalogue proclamé par le grand Législateur du haut du mont Sinaï enveloppé d'éclairs et ébranlé par les éclats du tonnerre. Cette manifestation extraordinaire de la puissance et de la majesté divines avait pour but d'inspirer une vénération profonde pour l'auteur de cette loi, le Créateur des cieux et de la terre, et de laisser derrière elle un souvenir ineffaçable. Dieu voulait aussi, par là, convaincre tous les hommes de l'importance, de la nature sacrée et de l'immuable obligation de sa loi.

Effrayé, le peuple d'Israël s'était peu à peu éloigné de la montagne. La terreur des sentences divines semblait dépasser la mesure de ses forces. Au fur et à mesure que passait devant lui le code de la justice, il reconnaissait toujours mieux le caractère du péché et sa culpabilité aux yeux d'un Dieu saint. La multitude adressa cette supplication à Moïse: "Parle-nous toi-même, et nous écouterons; mais que Dieu ne parle point avec nous, de peur que nous ne mourions."36 Le prophète répondit: "Ne craignez point; car Dieu est venu pour vous mettre à l'épreuve et pour que vous ayez toujours sa crainte présente devant vous, afin que vous ne péchiez pas." Puis "Moïse s'approcha de la nuée obscure dont Dieu s'était enveloppé", tandis que le peuple, paralysé de frayeur, restait à distance.

Aveuglé et dégradé par son long esclavage et son contact avec l'idolâtrie, Israël n'était pas préparé à apprécier les grands principes de la loi divine. Pour l'aider à mieux comprendre la nature et l'obligation de celle-ci, Dieu lui donna des statuts additionnels qui en illustraient le sens et l'application. Ceux-ci étaient parfois appelés "jugements", d'abord parce qu'ils étaient conçus avec infiniment de sagesse et d'équité, et ensuite parce que les magistrats, en rendant la justice, devaient toujours les consulter. Étant distincts des dix commandements, ils furent communiqués au peuple par l'intermédiaire de Moïse.

La première de ces lois se rapportait aux serviteurs. Dans les temps anciens, les criminels étaient parfois vendus comme esclaves; dans certains cas, des débiteurs étaient aussi vendus par leurs créanciers; enfin, la pauvreté poussait diverses personnes à se vendre elles-mêmes ou à vendre leurs enfants. Mais un Hébreu ne pouvait être esclave pour la vie, la durée de son servage étant limitée à six ans. La septième année, il devait être mis en liberté. Le rapt humain, le meurtre intentionnel et la révolte contre l'autorité des parents étaient punis de mort. Il était permis d'avoir des esclaves non israélites; mais la loi protégeait soigneusement leur vie et leur personne. Le meurtrier d'un esclave était puni, et l'esclave maltraité par son maître, n'eût-il perdu qu'une dent, devenait libre.

Les Israélites, qui avaient récemment été serviteurs, étaient mis en garde, maintenant qu'ils allaient avoir des serviteurs à leur tour, contre la cruauté et l'oppression dont ils avaient souffert en Égypte. Le souvenir de leur amère servitude devait les aider à se mettre à leur place, et les porter à être bons et compatissants, faisant aux autres ce qu'ils auraient désiré qu'on leur fît.

Les droits des veuves et des orphelins étaient tout particulièrement sauvegardés. De ces derniers, privés de tendresse, le Seigneur disait: "Si vous leur faites du tort, et qu'ils élèvent leurs cris vers moi, j'entendrai leurs cris. Mon courroux s'enflammera; je vous ferai périr par l'épée, et vos femmes deviendront veuves, en même temps que vos enfants orphelins."37 Les gens d'autres nations s'unissant à Israël étaient garantis de toute injustice et de toute oppression: "Tu n'opprimeras pas l'étranger. Vous connaissez vous-mêmes les sentiments éprouvés par l'étranger, puisque vous avez été étrangers dans le pays d'Égypte."38

Il était interdit de prêter au pauvre de l'argent à intérêt. La couverture ou le vêtement d'un pauvre, pris en garantie, devait lui être restitué à la tombée de la nuit. Celui qui se rendait coupable de vol devait donner le double. Le respect des magistrats et des gouverneurs était obligatoire, et les juges étaient mis en garde contre la tentation de pervertir le jugement, de soutenir une mauvaise cause ou de recevoir des présents. La calomnie était interdite, et l'on était tenu à des actes de bonté, même envers des ennemis personnels.

L'obligation sacrée du jour de repos était rappelée. Des fêtes annuelles furent instituées auxquelles chaque homme devait assister en apportant à l'Éternel des offrandes de reconnaissance et les premiers fruits récoltés.

L'objet de ces règlements était indiqué: exempts de tout sentiment arbitraire, ils avaient pour but le bien d'Israël. "Vous serez pour moi des hommes saints",39 disait le Seigneur, c'est-à-dire des hommes dignes d'être reconnus comme appartenant à un Dieu saint. Ces lois -- charte et fondement de la loi nationale -- furent écrites par Moïse et précieusement conservées. Elles constituaient, en outre, comme les dix préceptes dont elles étaient le commentaire, la condition de l'accomplissement des promesses de Dieu à Israël.

Dieu adressa alors au peuple ce message: "Je vais envoyer un ange devant toi pour te protéger en chemin et pour t'introduire dans le lieu que j'ai préparé. Prends garde à toi-même quand tu seras en sa présence, et écoute sa voix. Ne lui résiste point; car il ne pardonnerait pas votre désobéissance, parce que mon nom est en lui. Mais si tu écoutes attentivement sa voix, si tu fais tout ce que j'ordonnerai, je serai l'ennemi de tes ennemis et l'adversaire de tes adversaires."40

Enveloppé dans la colonne de nuée ou de feu, le Fils de Dieu conduisait Israël dans toutes ses pérégrinations. Non seulement il leur donnait des symboles leur annonçant un Sauveur à venir, mais il était aussi un Sauveur présent, seule source de bénédiction, donnant ses ordres par l'intermédiaire de Moïse.

Redescendu de la montagne, "Moïse vint rapporter au peuple toutes les paroles de l'Éternel et tous ses commandements; Alors tout le peuple répondit d'une seule voix: Nous ferons tout ce que l'Éternel a prescrit".41 Cette décision, ainsi que toutes les paroles de l'Éternel auxquelles le peuple s'était engagé à obéir, furent enregistrées dans un livre par Moïse.

Puis vint la ratification de l'alliance. On construisit un autel au pied de la montagne. Tout près, on "dressa douze pierres pour les douze tribus d'Israël", comme témoins de leur acceptation de l'alliance. Des jeunes hommes désignés par la circonstance offrirent alors des sacrifices.

Après avoir fait aspersion, sur l'autel, du sang des sacrifices, Moïse "prit le livre de l'alliance et le lut au peuple qui l'écoutait". Les conditions de cette alliance leur étaient ainsi solennellement répétées, de façon à laisser chacun libre de décider s'il voulait oui ou non les accepter. Tout au début, ils avaient déjà promis d'obéir à la voix de Dieu, puis entendu la proclamation de sa loi. Enfin, pour que nul n'ignorât à quoi l'alliance les engageait, ils venaient d'en écouter les préceptes en détail. De nouveau, et d'une seule voix, le peuple répondit: "Nous ferons tout ce que l'Éternel nous a prescrit, et nous lui obéirons." "Lorsque Moïse eut exposé à tout le peuple tous les commandements de la Loi, il prit le sang, [...] et il en aspergea le livre lui-même, et tout le peuple, en disant: Ceci est le sang de l'alliance que Dieu a commandé de conclure avec vous."42

Le moment était venu de prendre des dispositions en vue de l'établissement de la nation hébraïque sous la souveraineté de Dieu, son roi. Moïse avait reçu cet ordre: "Monte vers l'Éternel, avec Aaron, Nabab et Abihu, et soixante-dix anciens d'Israël, et vous vous prosternerez à distance. Moïse seul s'approchera de l'Éternel." Tandis que le peuple adorait au pied de la montagne, les hommes désignés à cet effet en firent l'ascension. Ces soixante-dix anciens devant seconder Moïse dans le gouvernement d'Israël, Dieu plaça son Esprit sur eux et leur donna le privilège de contempler sa puissance et sa gloire. "Et ils virent le Dieu d'Israël. Sous ses pieds se trouvait comme un dallage de saphir transparent, aussi pur que les cieux mêmes." Ils n'aperçurent pas la Divinité, mais seulement la gloire de sa présence. Auparavant, ils n'auraient pu supporter pareil spectacle. Mais les preuves de la puissance divine les avaient amenés à la conversion, et ils s'étaient accoutumés à méditer sur sa gloire, sa pureté et sa miséricorde, au point qu'ils pouvaient maintenant s'approcher du Seigneur.

Moïse et Josué, "son serviteur", étant appelés à se rendre sur la montagne et à y demeurer quelque temps, Aaron, Hur et les anciens furent désignés pour les remplacer. "Moïse monta donc sur la montagne. [...] La gloire de l'Éternel reposa sur le mont Sinaï, qui fut couvert d'une nuée." Six jours durant, la montagne resta ainsi sous la nuée, signe spécial de la présence de Dieu. Pendant ce temps, rien ne révéla cette présence, Moïse attendit patiemment d'être appelé par le Très Haut. Dieu avait dit: "Monte vers moi sur la montagne. Tu y resteras." La soumission, la docilité du prophète mises à l'épreuve, ne se démentirent point: il ne s'éloigna pas de son poste. Ce grand serviteur de Dieu, lui-même si favorisé, n'aurait pas pu supporter la présence et la gloire du Créateur. Avant d'entrer en communication avec lui, il devait consacrer six jours à la méditation, à la prière, à un sévère examen de conscience.

Au septième jour, le jour du sabbat, Moïse fut admis dans l'impénétrable nuée qui, s'entrouvrant à la vue de tout le peuple, laissa échapper, comme un torrent de feu, la gloire de l'Éternel. "Moïse entra dans la nuée, et monta sur la montagne", où il demeura "pendant quarante jours et quarante nuits",43 sans compter les six jours de préparation. Durant ces six jours, Josué, qui accompagnait Moïse, mangeait de la manne et buvait de l'eau du "torrent qui descendait de la montagne". Mais il n'entra pas dans la nuée de gloire. Il resta à quelque distance et continua, en attendant le retour de son maître, de s'alimenter et de se désaltérer de la même manière. Moïse, lui, jeûna durant toute cette période.

Les directives qu'il reçut à cette occasion concernaient la construction d'un sanctuaire dans lequel la divine présence se manifesterait d'une façon extraordinaire. "Ils m'élèveront un sanctuaire", avait dit l'Éternel, "et j'habiterai au milieu d'eux".44

Pour la deuxième fois, l'obligation du jour de repos est rappelée. "Ce sera, entre moi et les enfants d'Israël, un signe d'alliance à perpétuité, [...] afin qu'on sache que c'est moi, l'Éternel, qui vous sanctifie. Vous observerez donc le sabbat, qui doit être pour vous une chose sainte. [...] Quiconque fera un travail, ce jour-là, sera puni de mort."45

Les ordres concernant l'érection du sanctuaire étant récents, le peuple aurait pu conclure que la construction du lieu de culte était pressante, et qu'il était permis d'y travailler le jour du sabbat. C'était pour prévenir cette erreur que l'avertissement était donné. La sainteté et l'urgence même de cette entreprise ne pouvaient justifier la violation du jour consacré à l'Éternel. Désormais, le peuple allait être honoré de la présence de son Roi. "J'habiterai au milieu des enfants d'Israël, et je serai leur Dieu, [...] et ce lieu sera consacré par ma gloire",46 avait dit le Seigneur.

Comme symbole de l'autorité du Tout-Puissant et comme expression visible de sa volonté, un exemplaire du Décalogue, gravé sur deux tables de pierre par le doigt même de Dieu, fut remis à Moïse.47 Celles-ci furent, en leur temps, déposées dans le sanctuaire, qui devint alors le centre visible de l'adoration de l'Éternel.

Des bas-fonds de l'esclavage, Israël était ainsi élevé au-dessus de toutes les nations pour devenir le trésor particulier du Roi des rois. Dieu l'avait séparé du monde pour une mission sacrée. En le constituant dépositaire de sa loi, il se proposait de conserver, par son moyen, la connaissance de son nom parmi les hommes. La lumière du monde se répandrait ainsi au sein d'une humanité enveloppée de ténèbres, et une voix se ferait entendre, appelant tous les peuples à se détourner du fétichisme pour servir le Dieu vivant. En demeurant fidèles à leur mandat, les Israélites pourront devenir une puissance dans le monde. Dieu se constituera leur défenseur et les élèvera au-dessus de tous les peuples. Par l'intermédiaire d'Israël, la lumière de la vérité sera révélée à l'humanité, et sous son sceptre juste et bon, ce peuple démontrera la supériorité de son culte sur toutes les formes de l'idolâtrie.

La loi et les alliances

Dès leur création, Adam et Ève connurent la loi de Dieu et ses exigences. Ses préceptes étaient écrits dans leurs coeurs. Quand ils tombèrent dans le péché, loin de changer sa loi, Dieu conçut un plan qui, mis en oeuvre, devait ramener le pécheur à l'obéissance. Il leur promit un Sauveur dont la mort -- auguste rançon pour les péchés -- serait préfigurée par le sang de victimes symboliques. C'est la preuve que si la loi de Dieu n'avait pas été transgressée, la mort n'aurait jamais existé. Un Sauveur n'aurait pas été nécessaire, pas plus que de sanglants sacrifices pour annoncer sa venue.

Les descendants d'Adam transmirent de père en fils, d'une génération à l'autre, la connaissance de la loi de Dieu. Ceux qui acceptèrent le moyen de salut si gracieusement offert aux hommes, et qui suivirent la voie de l'obéissance furent si peu nombreux, et le monde fut bientôt si corrompu que, pour le purifier, le déluge devint une nécessité. La loi, conservée par Noé et sa famille, fut communiquée par eux à leurs descendants. Plus tard, les hommes s'étant de nouveau égarés dans le mal, Dieu choisit Abraham dont il déclara: "Abraham a obéi à ma voix et a observé ce que je lui avais ordonné, mes commandements, mes préceptes et mes lois."48

C'est à lui que fut donné le rite de la circoncision, symbole de consécration à Dieu, d'un engagement à fuir l'idolâtrie et à garder la loi divine. Faute d'avoir tenu cet engagement, et pour s'être laissé entraîner à s'unir aux païens et à suivre leurs pratiques, les descendants d'Abraham furent emmenés en Égypte et réduits en esclavage. Durant leur séjour dans ce pays, leurs relations avec les idolâtres et leur soumission forcée, comme leur contact avec les turpitudes et les erreurs du paganisme, les entraînèrent plus loin encore dans la prévarication. Pour cette raison, après les avoir fait sortir d'Égypte, Dieu les amena au pied du Sinaï. Là, du haut de la montagne enveloppée de sa gloire, entouré de l'armée des anges et au milieu de l'ébranlement de la nature, Dieu fit entendre sa loi à la multitude.

Même alors, il ne la confia pas à la mémoire d'un peuple trop enclin à l'oublier. Pour empêcher que ses saints préceptes ne fussent mélangés à des traditions païennes ou confondus avec des lois ou des traditions humaines, il les écrivit sur des tables de pierre. Et il ne se contenta pas de publier le Décalogue. Le peuple d'Israël s'était montré si disposé à s'égarer que Dieu voulut en quelque sorte fermer l'accès à toutes les tentations. Moïse reçut l'ordre d'écrire des instructions et des statuts où la volonté divine était exprimée en détail. Ces statuts qui se rapportaient aux devoirs envers Dieu, envers le prochain et envers l'étranger, n'étaient qu'une amplification, un développement des principes énoncés dans les dix commandements. Ils avaient pour but de prévenir toute erreur et de rehausser la sainteté des dix paroles gravées sur la pierre.

En d'autres termes, si l'homme avait obéi à la loi divine telle qu'elle fut donnée à Adam, conservée par Noé et observée par Abraham, la circoncision n'aurait pas été nécessaire. Et si les descendants d'Abraham avaient gardé l'alliance dont la circoncision était le signe, ils n'auraient jamais été entraînés dans l'idolâtrie, et la dure servitude égyptienne n'aurait pas eu lieu. La loi de Dieu, conservée dans leurs mémoires, n'aurait pas été proclamée au Sinaï ni gravée sur la pierre. Enfin, si le peuple d'Israël avait observé les dix commandements, les préceptes additionnels donnés à Moïse auraient été superflus.

En outre, le système sacrificiel confié à Adam avait été perverti par ses descendants. Au cours des rapports prolongés de ceux-ci avec les idolâtres, les rites simples et significatifs divinement prescrits avaient été altérés par un mélange de superstitions et de coutumes païennes. De là aussi, après l'achèvement du tabernacle, les instructions sur les offrandes et les formes du culte à observer au sanctuaire. Ce fut cette loi cérémonielle que Moïse écrivit dans un livre, tandis que les dix commandements prononcés au Sinaï et gravés par Dieu lui-même sur les tablettes de pierre étaient religieusement conservés dans l'arche.

Bien des gens aujourd'hui confondent ces deux lois. Pour prouver que la loi morale est abolie, ils citent, comme s'y rapportant, des passages relatifs à la loi cérémonielle. C'est là une perversion des Ecritures. La distinction entre ces deux lois est simple et claire. Le système cérémoniel se composait, exclusivement, de symboles préfigurant le Sauveur à venir, son sacrifice et son sacerdoce. Cette loi rituelle, ses sacrifices et ses ordonnances ne devaient être observés par les Hébreux que jusqu'à ce que le type rencontrât l'antitype, à la mort du Messie, l'Agneau de Dieu qui devait "ôter le péché du monde", moment à partir duquel tous les sacrifices devaient cesser. Telle est la loi que Jésus-Christ "a supprimée en la clouant à la croix".49

Quant à la loi des dix commandements, voici ce qu'en dit le Psalmiste: "Ô Éternel, ta parole subsiste à toujours dans les cieux."50 Jésus lui-même a fait à ce sujet les déclarations suivantes: "Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi, [...] En effet, je vous le dis en vérité: -- expression qui donne à sa déclaration toute l'énergie possible -- avant que le ciel et la terre aient passé, il ne disparaîtra de la loi ni un seul iota ni un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit accompli."51 Non seulement Jésus affirme ici les obligations de la loi dans le passé et à son époque, mais il déclare qu'elles dureront aussi longtemps que les cieux et la terre. La loi de Dieu est donc immuable. Ses droits sur l'humanité sont les mêmes dans tous les âges.

Rappelant la loi proclamée au Sinaï, Néhémie déclare: "Tu descendis sur la montagne du Sinaï; tu leur parlas du haut des cieux, et tu leur donnas des lois justes, des enseignements vrais, des préceptes et des commandements excellents."52 Au sujet du commandement qui dit: "Tu ne convoiteras point", l'apôtre Paul affirme que la loi est "sainte, et le commandement saint, juste et bon."53

La mort du Sauveur, qui mit fin à la loi des rites et des ombres, ne modifia pas les obligations de la loi morale. Bien au contraire: le fait même que le Fils de Dieu dut mourir pour expier sa violation en démontre le caractère immuable.

Ceux qui enseignent que Jésus est venu abolir la loi de Dieu et rendre caduc l'Ancien Testament parlent de l'économie judaïque comme d'une période de ténèbres, et de la religion des Hébreux comme ne consistant qu'en rites et en cérémonies. C'est une erreur. La trace merveilleuse du grand JE SUIS se retrouve à travers toutes les périodes de l'histoire sainte, où sont racontées ses voies envers le peuple élu. Jamais il n'accorda aux hommes des preuves plus éclatantes de sa présence que lorsque, reconnu comme seul monarque en Israël, il lui donna sa loi, que l'on vit sa marche effrayante à travers le camp et sa main invisible y présenter le sceptre de son ineffable majesté.

Ce ne fut pas seulement à l'avènement du Sauveur, mais à travers tous les siècles qui suivirent la chute et la promesse de la rédemption, que "Dieu était en Jésus-Christ, réconciliant avec lui le monde".54 Dans toutes les manifestations de la présence divine en Israël, c'est par son Fils que Dieu révélait sa gloire, ce Fils qui était à la base et au centre du système des sacrifices, tant dans l'âge patriarcal que sous l'économie judaïque.

Depuis le péché de nos premiers parents, il n'y a plus eu de communication directe entre Dieu et l'homme. C'est entre les mains de son Fils que le Père a remis le monde pour le racheter par son oeuvre médiatrice, tout en revendiquant la sainteté et l'autorité de sa loi. Toutes les relations qui ont été établies entre le ciel et notre humanité déchue ont eu le Fils de Dieu pour intermédiaire. C'est le Fils de Dieu qui fit la promesse de la rédemption à nos premiers parents, et c'est lui qui se révéla aux patriarches. Adam, Noé, Abraham, Isaac, Jacob et Moïse connaissaient l'Évangile. Ils attendaient leur salut d'un substitut qui se porterait garant de l'humanité. Ils s'entretenaient avec celui qui devait s'incarner ici-bas, et quelques-uns d'entre eux ont même parlé face à face avec lui et avec ses anges.55

Non seulement Jésus-Christ a été le conducteur des Hébreux à travers le désert, l'Ange en qui était le nom de Jéhovah, et qui, voilé par la colonne de nuée, marchait au désert devant les caravanes d'Israël, mais c'est lui qui donna la loi à ce peuple. C'est Jésus-Christ qui, du Sinaï enflammé, prononça les dix préceptes de la loi de son Père, et c'est lui encore qui remit à Moïse cette loi gravée sur les tables de pierre.

Parlant des "prophètes qui ont prophétisé touchant la grâce qui nous était destinée", l'apôtre Pierre écrit qu'ils "cherchaient à découvrir l'époque et les circonstances marquées par l'Esprit du Christ qui était en eux, et qui attestait d'avance les souffrances réservées au Christ et les gloires qui devaient les suivre."56 C'est donc Jésus-Christ qui parlait avec son peuple par les prophètes, et c'est sa voix que nous entendons dans l'Ancien Testament. "Le témoignage de Jésus, c'est l'esprit de la prophétie."57

Dans ses enseignements, alors qu'il vivait ici-bas, Jésus renvoyait ses auditeurs à l'Ancien Testament, les seuls livres de la Bible qui existaient alors: "Vous sondez les Écritures, disait-il, parce que vous pensez avoir par elles la vie éternelle: ce sont elles qui rendent témoignage de moi."58 Il déclarait aussi: "Ils ont Moïse et les prophètes; qu'ils les écoutent." Et il ajoutait: "S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne seraient pas non plus persuadés, quand même quelqu'un des morts ressusciterait."59

La loi cérémonielle donnée par Jésus-Christ a été abrogée au Calvaire. L'apôtre Paul expliquait aux Juifs quelles en avaient été la valeur et la place dans le plan de la rédemption en rapport avec l'oeuvre du Sauveur. Il la déclarait glorieuse et digne de son divin auteur. Le solennel rituel du sanctuaire symbolisait de grandes vérités qui devaient être enseignées à travers les générations. Le nuage d'encens qui montait avec les prières d'Israël symbolisait la justice du Christ qui seule peut faire agréer par Dieu la prière du pécheur. La victime sanglante sur l'autel du sacrifice rendait son témoignage au Rédempteur à venir, tandis que, dans le lieu très saint, brillait le signe visible de la présence divine. Et voilà comment, à travers tant de ténèbres et d'apostasies, la foi demeura vivace dans le coeur des hommes jusqu'à l'avènement du Messie promis.

Bien avant de venir sur la terre sous forme humaine, Jésus était la lumière de son peuple et du monde. La première lueur qui filtra à travers les ténèbres dont le péché avait enveloppé la terre nous est parvenue par Jésus-Christ. Et c'est à lui que nous devons chaque rayon de lumière divine destiné aux humains. Dans le plan de la rédemption, c'est lui l'Alpha et l'Oméga, le premier et le dernier.

Depuis que le Sauveur a versé son sang pour la rémission des péchés, et qu'il est monté au ciel "afin de comparaître pour nous devant la face de Dieu",60 c'est par torrents que la lumière est descendue sur nous du haut du Calvaire et des lieux saints du sanctuaire céleste. Mais les vives lumières qui nous inondent ne doivent pas nous faire mépriser celles qui furent autrefois accordées aux hommes à travers des symboles annonçant un Sauveur à venir. L'Évangile illumine l'économie judaïque; et c'est lui qui donne toute sa signification à la loi cérémonielle. À mesure que de nouvelles vérités sont révélées, nous comprenons mieux le caractère de Dieu dans ses voies envers le peuple élu. Tout nouveau rayon de lumière nous donne une intelligence plus claire du plan de la rédemption qui est l'accomplissement de la volonté divine. De nouvelles beautés, une force nouvelle émergent de la parole inspirée, et nous en étudions les pages avec un intérêt toujours croissant.

Maints esprits s'imaginent que Dieu avait placé une muraille entre les Hébreux et le monde extérieur, et que ses soins, son amour, refusés en bonne partie au reste de l'humanité, étaient presque exclusivement réservés à Israël. C'est encore une erreur. Dieu n'entendait pas qu'il s'élevât une cloison étanche entre son peuple et les autres nations. Le coeur de l'Être infini soupirait après tous les habitants de la terre. Quoique rejeté, il cherchait constamment à se révéler à eux pour les rendre participants de son amour et de sa grâce.

Le peuple élu devait faire part aux autres des bénédictions divines. Ce fut le cas d'Abraham. Appelé, honoré, béni de Dieu, il faisait briller la lumière dans tous les pays où il séjournait. Il ne craignait pas d'entrer en contact avec les hommes qui l'entouraient. Il avait des relations amicales avec les rois des nations environnantes, dont quelques-uns l'honoraient de leur respect. Sa droiture, son désintéressement, sa bravoure, sa bienfaisance firent successivement connaître le caractère de Dieu aux habitants de la Mésopotamie, de l'Égypte et même de Sodome.

Il en fut de même de Joseph à l'égard du peuple égyptien et de toutes les nations qui étaient en relations avec ce puissant royaume. Pourquoi Dieu éleva-t-il Joseph à une si haute situation en Égypte? Il aurait pu réaliser ses desseins envers les enfants de Jacob d'une tout autre manière. S'il le plaça dans le palais des rois, c'était parce qu'il voulait répandre par lui, auprès et au loin, les rayons de la lumière céleste. Par sa sagesse et sa justice, la pureté et le désintéressement de sa vie quotidienne, son souci des intérêts du peuple, qui était idolâtre, Joseph se montra un vrai représentant de Jésus-Christ. Par son bienfaiteur, auquel toute l'Égypte adressait ses louanges et sa gratitude, cette nation païenne put connaître l'amour de son Créateur et Rédempteur.

En la personne de Moïse également, Dieu dressa un flambeau au pied du trône du plus puissant monarque de la terre, et cette révélation de son vrai caractère aux âmes sincères eut lieu avant l'apparition de ses jugements sur ce royaume.

De même, la délivrance d'Israël lors de sa sortie d'Égypte contribua à étendre fort loin la connaissance de la puissance divine et fit trembler la population belliqueuse et redoutable de Jéricho. "Nous l'avons appris, dit Raab, qui vivait dans cette cité, et notre coeur s'est fondu, et il n'est plus resté de courage en aucun de nous pour vous résister; car c'est l'Éternel, votre Dieu, qui est Dieu, en haut dans les cieux, et en bas sur la terre."61 Des siècles après l'exode, les prêtres philistins rappelaient encore les plaies d'Égypte à leur peuple, et l'avertissaient de ne pas s'opposer au Dieu des Hébreux.

Si le Seigneur avait choisi Israël, s'il l'avait béni et rendu prospère, ce n'était pas pour qu'il fût l'objet exclusif de ses faveurs, mais pour se faire connaître par lui à tous les habitants de la terre. Or, c'était précisément pour atteindre ce but qu'il lui avait ordonné de rester séparé des nations païennes qui l'entouraient.

C'est parce que l'idolâtrie et tous les péchés qui l'accompagnent lui sont odieux, que l'Éternel ordonna à son peuple de ne pas se mélanger avec les autres nations pour imiter leur conduite62 et oublier son Dieu. Dans ce même but, il défendit aux Israélites de se marier avec les idolâtres. Il était tout aussi nécessaire alors que maintenant au peuple de Dieu de se "séparer de la souillure du monde" et de se préserver de tout ce qui est contraire à la vérité et à la justice. Mais Dieu n'entendait pas, pour autant, que son peuple, drapé dans sa propre justice, se séparât du reste du monde au point de n'exercer sur lui aucune influence.

Dans tous les siècles, les disciples du Christ, semblables à leur Maître, doivent être la lumière du monde. Le Sauveur a dit: "Vous êtes la lumière du monde; une ville située sur une montagne ne peut être cachée, et on n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau; mais on la met sur un support, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison", c'est-à-dire dans le monde. Et il ajoute: "Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres, et qu'ils rendent gloire à votre Père qui est dans les cieux."63 C'est là précisément ce qu'avaient fait Hénoc, Noé, Abraham, Joseph et Moïse, et c'est ce que Dieu attendait du peuple d'Israël. En revanche, en s'abandonnant à leurs coeurs endurcis et incrédules, poussés par Satan, les Israélites tombèrent tantôt dans un extrême, tantôt dans un autre. Ou bien, dans leur bigoterie et leur exclusivisme orgueilleux, ils cachèrent leur lumière, comme si l'amour de Dieu n'était que pour eux; ou bien ils se livrèrent aux pratiques abominables de leurs voisins.

De même que la Bible nous révèle deux lois: l'une immuable et éternelle, l'autre provisoire et temporaire, de même elle nous présente deux alliances. L'alliance de grâce fut d'abord conclue en Éden, alors qu'après sa chute, l'homme apprit que la postérité de la femme écraserait la tête du serpent. Cette alliance offrait à tous les hommes le pardon de Dieu, la grâce nécessaire pour lui obéir par la foi en Jésus-Christ, et la vie éternelle. Les patriarches connurent ainsi l'espérance du salut.

La même alliance fut renouvelée à Abraham lorsque Dieu lui fit la promesse suivante: "Toutes les nations de la terre seront bénies en ta postérité."64 Cette promesse, Abraham le savait, se rapportait au Fils de Dieu. C'est du Sauveur qu'il attendait le pardon de ses péchés, et ce fut cette foi que Dieu lui "imputa à justice."65 Cette alliance avec Abraham maintenait l'autorité et l'obligation de la loi morale, car Dieu avait dit au patriarche: "Je suis le Dieu tout-puissant. Marche devant ma face, et sois intègre."66 Et il lui rendit ce témoignage: "Abraham a obéi à ma voix, et a observé ce que je lui avais ordonné, mes commandements, mes préceptes et mes lois."67 Or, cette alliance était pour tous les temps: "Je ferai mon alliance avec toi, lui avait dit l'Éternel, et avec ta postérité après toi, d'âge en âge; ce sera une alliance perpétuelle, en sorte que je serai ton Dieu, et celui de ta postérité après toi."

Conclue avec Adam et renouvelée avec Abraham, cette alliance ne put être ratifiée qu'à la mort de Jésus-Christ. Néanmoins, elle fut appelée une nouvelle alliance. Fondée sur la loi divine, elle avait pour but de remettre l'homme en harmonie avec la volonté de Dieu, en le rendant capable d'observer ses préceptes.

L'autre contrat, appelé dans les Écritures "l'ancienne alliance", fut passé entre Dieu et Israël au Sinaï, et ratifié par le sang du Rédempteur. Si celle-ci est appelée la "deuxième" ou la "nouvelle alliance", c'est parce que le sang qui la ratifia fut versé postérieurement à celui qui scella la première alliance. Il est indéniable que la "nouvelle" alliance était déjà en vigueur aux jours d'Abraham puisqu'elle fut alors confirmée tant par la promesse que par le serment de Dieu, "deux choses immuables et sans mensonge possible, puisqu'elles viennent de Dieu".68

Mais, demandera-t-on, si l'alliance conclue avec Abraham comprenait la promesse de la rédemption, comment expliquer qu'une autre alliance ait été plus tard contractée au Sinaï? C'est parce qu'au cours de leur servitude, les Hébreux avaient en bonne partie perdu la connaissance de Dieu et des principes renfermés dans l'alliance avec Abraham. En outre, le Seigneur voulait les amener à l'aimer, à se confier en lui et à sentir leur besoin de son secours en les amenant à la mer Rouge dans un endroit où, poursuivis par les Égyptiens, il leur était impossible d'échapper. Ce but fut atteint. Leur délivrance les remplit d'amour et de reconnaissance envers Dieu, comme aussi de confiance en son puissant soutien.

Une vérité plus grande encore devait leur être inculquée. Ayant vécu au milieu de l'idolâtrie, ils ne se faisaient une juste idée ni de la sainteté de Dieu, ni de la profonde perversité de leurs coeurs et de leur complète incapacité d'obéir par eux-mêmes à la loi divine et, par conséquent, de la nécessité d'un Sauveur.

Pour leur apprendre tout cela, Dieu les amena au Sinaï où il leur révéla sa gloire, leur donna sa loi et leur promit de grands bienfaits en retour de leur obéissance: "Si vous obéissez à ma voix et si vous gardez mon alliance, [...] vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation sainte."69 Ne comprenant pas la dépravation du coeur humain; ignorant qu'en dehors du Sauveur il lui était impossible d'observer la loi de Dieu, le peuple entra sans hésiter dans l'alliance qui lui était proposée. Fort de sa propre justice, le peuple déclara: "Nous ferons tout ce que l'Éternel nous a prescrit, et nous lui obéirons."70

Quelques semaines s'étaient à peine écoulées depuis cette scène de majesté et de terreur où ils avaient, en tremblant, entendu proclamer la loi de Dieu que, rompant leur alliance avec l'Éternel, ils se prosternaient devant une image de métal! Ils ne pouvaient donc plus compter sur la faveur d'en haut en vertu d'une alliance qu'ils avaient violée. En revanche, en se rendant compte de leur misère morale et de leur besoin de pardon, ils étaient préparés à comprendre la nécessité du Sauveur offert par l'alliance avec Abraham et préfiguré par les sacrifices. Dès ce moment, ramenés par la foi et la gratitude à un Dieu qui pouvait les délivrer de l'esclavage du péché, ils étaient prêts à apprécier les bienfaits de la nouvelle alliance.

Les termes de l'ancienne alliance étaient: "obéis et tu vivras"; "l'homme qui accomplit [mes lois] vivra par elles!"71 D'autre part, elle disait: "Maudit est celui qui ne met pas cette loi en pratique."72 La nouvelle alliance, en revanche, a été "établie sur de meilleures promesses", à savoir: la promesse du pardon des péchés et celle du don de la grâce divine qui renouvelle le coeur et le met en harmonie avec les principes de la loi divine. "Voici l'alliance que je ferai avec la maison d'Israël après ces jours-là, dit l'Éternel. Je mettrai ma loi au-dedans d'eux, et je l'écrirai dans leur coeur. [...] Je pardonnerai leur iniquité et je ne me souviendrai plus de leur péché."73

En vertu de cette alliance, la loi même qui avait été gravée sur les tables de pierre est écrite par le Saint-Esprit dans notre coeur. Au lieu de chercher à établir notre propre justice, nous acceptons celle du Sauveur. Son sang expie nos péchés et son obéissance nous est imputée. Alors notre coeur, renouvelé par le Saint-Esprit, est rendu capable de produire "les fruits de l'Esprit". Par la grâce de Jésus-Christ, nous vivons désormais dans l'obéissance à la loi de Dieu. Avec lui, nous pouvons dire: "Mon Dieu, je prends plaisir à faire ta volonté, Et ta loi est au fond de mon coeur."74

Durant son séjour sur la terre, Jésus disait: "Mon Père [...] ne m'a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable."75

L'apôtre Paul expose clairement les rapports qui existent sous la nouvelle alliance, entre la foi et la loi: "Étant donc justifiés par la foi, dit-il, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ." "Anéantissons-nous donc la loi par la foi? Non, certes! Au contraire, nous la confirmons." "Car ce qui était impossible à la loi, attendu que la chair la rendait impuissante [à justifier l'homme qui l'a violée], Dieu l'a fait! En envoyant à cause du péché son propre Fils dans une chair semblable à notre chair de péché, il a condamné le péché dans la chair, afin que la justice prescrite par la loi fût accomplie en nous, qui marchons, non selon la chair, mais selon l'esprit."76

L'oeuvre de Dieu est la même dans tous les temps; mais elle passe par diverses phases pour s'adapter aux différents âges du monde. À partir de la première promesse évangélique, passant par l'âge patriarcal et l'économie judaïque, le plan de la rédemption a suivi un développement graduel et constant. Le Sauveur, figuré dans les rites et les cérémonies de la loi mosaïque, n'est autre que celui qui nous est révélé dans l'Évangile. Les nuages qui voilaient sa personne divine se sont dissipés. Les vagues et les ombres ont disparu, et Jésus, le Rédempteur du monde, apparaît aujourd'hui à nos yeux.

Celui qui proclama la loi au Sinaï et donna à Moïse les préceptes de la loi cérémonielle est celui-là même qui prononça le Sermon sur la montagne. Les grands principes de l'amour envers Dieu énoncés là comme étant le fondement de la loi et des prophètes ne sont que la répétition de ce qu'il avait dit au peuple hébreu par la bouche de Moïse:

"Écoute, Israël! L'Éternel, notre Dieu, est le seul Éternel! Tu aimeras l'Éternel de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force."77

"Tu aimeras ton prochain comme toi-même."78

Notre divin Maître est le même sous les deux dispensations ou alliances. Ses exigences n'ont pas varié. Les principes de son gouvernement restent identiques, car ils procèdent tous du "Père des lumières, en qui il n'y a aucune variation ni aucune ombre de changement".79