Les troupes victorieuses d’Israël étaient revenues de Basan le cœur joyeux et animées d’une nouvelle confiance en Dieu. Elles avaient déjà pris possession d’un territoire d’une grande valeur, et elles entrevoyaient la conquête immédiate de Canaan, dont seul le Jourdain les séparait encore. En face, au-delà du fleuve, s’étendait une plaine verdoyante arrosée de cours d’eau et ombragée de luxuriants palmiers. A l’occident de cette plaine, s’élevaient les tours et les palais de Jéricho, entourée à tel point de verdure qu’on l’appelait « la ville des palmiers ».
Les Hébreux avaient trouvé, à l’est du Jourdain, un agréable emplacement pour y dresser leur camp. C’était la vallée de Sittim, ainsi nommée en raison des nombreux massifs de palmiers et d’acacias qui bordaient le fleuve, et où l’on jouissait d’un climat tropical.
Au milieu de cette riche et belle nature, ils allaient rencontrer un ennemi plus terrible que des armées ou que les animaux sauvages du désert. Ce pays si favorisé de la nature était souillé par ses habitants. Des scènes dégradantes et infâmes se déroulaient constamment au cours du culte que l’on y rendait publiquement à Baal, leur divinité principale. Nombreux étaient les lieux notoires où s’étalaient l’idolâtrie et l’immoralité, et dont les noms eux-mêmes suggéraient l’immonde corruption de ces populations.
Ce voisinage exerça une influence démoralisatrice sur les Israélites. Ils s’accoutumèrent aux pensées impures qui leur étaient constamment suggérées. L’aise et l’inaction les éloignèrent inconsciemment de Dieu, ils en arrivèrent au point où la tentation devint presque irrésistible. Le temps que Moïse passa aux préparatifs de l’occupation de Canaan fut, pour les Israélites, une période pleine de dangers. Plusieurs semaines ne s’étaient pas écoulées que leur histoire était souillée par une effroyable apostasie.
Tout d’abord, il n’y eut guère de rapports entre les Israélites et leurs voisins idolâtres. Mais bientôt, on vit se glisser dans le camp des femmes moabites dont le plan était d’entraîner les Hébreux dans l’immoralité et l’idolâtrie. Leur but était si habilement voilé sous le couvert de l’amitié que nul ne songea à les suspecter, pas même les chefs du peuple.
À la suggestion de Balaam, le roi de Moab organisa une grande fête en l’honneur de leurs dieux. Il était entendu que Balaam inviterait les Israélites à y assister. Considéré par ceux-ci comme un prophète de Dieu, il n’eut pas de peine à atteindre son but. Une foule d’Israélites qui l’accompagnèrent à la fête furent pris dans les filets de Satan. Charmés par la musique et les danses, et séduits par la beauté des prêtresses, ils oublièrent leur fidélité à l’Éternel et participèrent aux divertissements et à la bonne chère. Lorsque les sens émoussés par le vin eurent fait tomber les barrières de la volonté, les passions se débridèrent; leur conscience étant paralysée par le libertinage, ils se laissèrent aller à se prosterner devant les idoles. Ils offrirent des sacrifices sur les autels païens et participèrent aux rites les plus dégradants.
Il ne fallut pas longtemps pour que ce poison mortel répandît son infection à travers tout le camp. Ces hommes, qui auraient écrasé leurs ennemis en bataille rangée, étaient tombés dans les pièges des femmes idolâtres. Les chefs et les principaux avaient été les premiers à s’adonner au mal. Cette scène de dévergondage effréné fut à peu près générale. Le peuple semblait fasciné. Ces pratiques infâmes avaient réussi là où les enchantements de Balaam avaient échoué: elles l’avaient séparé de Dieu. « Israël s’attacha à Baal-Péor. » (Voir Nombres 25) Quand, enfin, Moïse s’en rendit compte, le succès des ennemis était à ce point complet que les rites païens se pratiquaient déjà dans le camp. Le grand vieillard fut bouleversé, et la colère de Dieu s’alluma.
De prompts châtiments éveillèrent l’attention du peuple sur l’énormité de son péché: la peste fit dix mille victimes. Dieu ordonna que les fauteurs de l’apostasie fussent mis à mort par les magistrats, et l’ordre fut promptement exécuté. Ils furent tués, et leurs corps, suspendus à la vue de tous, montrèrent ainsi à l’assemblée l’horreur que Dieu avait de leur conduite et l’intensité de son courroux. La nation entière comprit que le châtiment était mérité. Elle se rendit au tabernacle pour s’humilier avec larmes et confesser son péché.
Tandis que le peuple pleurait à la porte du tabernacle et que la plaie poursuivait son œuvre de mort; tandis que les magistrats s’acquittaient encore de leur sanglante besogne, Zimri, un des grands en Israël, entra hardiment dans le camp, accompagné d’une prostituée madianite, fille d’un « chef du peuple » de cette nation, et il la conduisit dans sa tente. Jamais le vice ne s’était affiché avec plus d’impudence. Troublé par le vin, Zimri étala orgueilleusement sa honte en plein jour. Au moment même où les principaux et les prêtres, prosternés devant l’Éternel, « pleuraient entre le portique et l’autel », suppliant Dieu « d’épargner son peuple et de ne point livrer son héritage à l’opprobre », cet homme exposa sa luxure aux yeux de tous comme pour défier la vengeance divine et se moquer des magistrats d’Israël.
« À cette vue, Phinées, fils d’Éléazar, fils d’Aaron, le prêtre, se leva du milieu de l’assemblée, et prit une lance dans sa main. Il suivit l’Israélite dans sa tente » et les tua, lui et la Madianite. « Alors le fléau qui sévissait parmi les enfants d’Israël fut arrêté. » Le prêtre qui avait ainsi exécuté le jugement de Dieu fut honoré en présence de toute l’assemblée, et le sacerdoce, attaché pour toujours à sa maison. « Phinées, dit l’Éternel, a détourné des enfants d’Israël mon courroux. ... C’est pourquoi tu lui annonceras que je lui accorde mon alliance de paix; ce sera, pour lui et pour sa postérité après lui, l’alliance d’un sacerdoce perpétuel, parce qu’il a été zélé pour son Dieu, et qu’il a fait l’expiation pour les enfants d’Israël. »
Le châtiment divin infligé à Israël pour le péché de Sittim fit périr tous les survivants de la catégorie nombreuse de gens qui, près de quarante ans plus tôt, avaient encouru la sentence: « Ils mourront dans le désert. » Un dénombrement du peuple effectué par ordre de Dieu sur les bords du Jourdain prouva « qu’il n’y avait parmi eux aucun des Israélites dont Moïse et Aaron, le prêtre, avaient fait le recensement dans le désert de Sinaï. ... Il n’en resta pas un seul, excepté Caleb, fils de Jephunné, et Josué, fils de Nun. » (Nombres 26:64, 65)
Dieu avait châtié Israël pour s’être laissé prendre aux séductions des Madianites. Sa justice rétributive allait atteindre aussi les tentateurs. Les Amalécites qui, à Réphidim, s’étaient jetés sur les faibles, à l’arrière de l’armée israélite, ne furent punis que plus tard. Mais les Madianites, qui les avaient séduits et constituaient un ennemi plus redoutable, subirent une correction plus prompte. « Exécute contre les Madianites la vengeance des enfants d’Israël, dit Dieu à Moïse; tu seras ensuite recueilli auprès de ton peuple. » (Voir Nombres 31)
Ce mandat fut immédiatement mis à exécution. Mille hommes de chaque tribu furent réunis, armés et placés sous la conduite de Phinées. « Ils livrèrent bataille aux Madianites, ainsi que l’Éternel l’avait commandé à Moïse. ... Ils tuèrent cinq rois de Madian; ils tuèrent aussi par l’épée Balaam, fils de Béor. » De même, les femmes qui avaient été faites prisonnières furent, par ordre de Moïse, mises à mort comme étant les ennemis les plus dangereux d’Israël.
Telle fut la fin de ceux qui avaient comploté la perte du peuple de Dieu. Pour parler avec le Psalmiste: « Les nations sont tombées dans la fosse qu’elles avaient creusée; leur pied s’est pris au piège qu’elles avaient caché. » (Psaumes 9:16) « L’Éternel ne délaissera pas son peuple, et il n’abandonnera pas son héritage. Ses jugements se montreront un jour conformes à la justice. » Quand « ils attaquent la vie du juste », l’Éternel « fera retomber sur eux leur crime, et leur perversité même consommera leur ruine » (Psaumes 94:14, 15, 21, 23).
Quand Balaam avait été sollicité pour maudire les Hébreux, il n’avait pu, par tous ses enchantements, attirer sur eux le moindre mal. En effet, « l’Éternel n’avait point aperçu d’iniquité en Jacob [ni] de perversité en Israël » (Nombres 23:21-23). C’était lorsqu’ils avaient cédé à la tentation et violé la loi divine que leur force les avait abandonnés. Quand le peuple de Dieu reste fidèle à ses commandements, on peut dire de lui: « L’enchantement ne peut rien contre Jacob, ni la divination contre Israël. » (Nombres 23:21-23) Lorsque ceux qui se disent dépositaires de la loi divine en deviennent les transgresseurs, ils ne peuvent subsister devant leurs ennemis. Voilà pourquoi toute la puissance et tous les artifices de Satan ont pour but de les entraîner dans le péché.
Les Israélites, qui n’avaient pu être vaincus par les armes de Madian ni par ses incantations, furent victimes de ses prostituées. Tel est le pouvoir que la femme enrôlée au service de Satan a toujours exercé pour séduire et perdre les âmes.
Nombreux sont les blessés qu’elle a fait tomber,C’est ainsi que furent séduits les enfants de Seth et que le peuple de Dieu de cette époque se corrompit. C’est par là que Joseph fut tenté. C’est à la sollicitation d’une femme que Samson abdiqua sa force, espoir d’Israël, entre les mains des Philistins. C’est là que trébucha le roi David et ce fut sur ce même autel que Salomon, le plus sage des rois, trois fois appelé le bien-aimé de Dieu, sacrifia sa fidélité pour devenir l’esclave de ses passions.
Et grande est la multitude de ceux qu’elle a tués!
(Proverbes 7:26)
Les lèvres de l’étrangère distillent le miel,
Et son palais est plus doux que l’huile.
Mais la fin qu’elle prépare est amère comme l’absinthe,
Aiguë comme une épée à deux tranchants. ...
Éloigne d’elle ton chemin
Et n’approche pas de l’entrée de sa maison,
De peur que tu ne donnes ton honneur à d’autres
Et tes années à un homme cruel;
De peur que des étrangers ne se rassasient de ton bien
Et que le fruit de ton travail ne passe dans une maison étrangère;
De peur que tu ne gémisses quand tu seras près de ta fin,
Quand ta chair et ton corps se consumeront. ...
Sa maison penche vers la mort. ...
Pas un de ceux qui vont vers elle n’en revient. ...
Les invités de cette femme sont dans les profondeurs du séjour des morts.
(Proverbes 5:3, 4, 8-11; 2:18, 19; 9:18)